Tribune. Qui sont les créanciers de la France ? La question peut paraître anodine ; elle ne l’est pas. Il est quasi impossible de répondre aujourd’hui à cette question. Pourquoi n’y a-t-il pas d’information au Parlement sur ce sujet ? Pourquoi les ministres de Bercy, quand on leur pose la question, bottent-ils en touche ? Les retraités du secteur public ont le droit de savoir qui paye leurs pensions. Nos millions d’agents publics ont le droit de savoir par quelles banques centrales étrangères leurs salaires sont payés.
Les Français pensent que la Banque centrale européenne (BCE) achète toute la dette émise par la France. Ils se trompent car, sur les 400 milliards d’euros environ de dette publique émis par an par la France en 2020 et 2021, la BCE n’en rachète qu’environ la moitié. Une très large part nous est prêtée par le reste du monde.
Le dernier chiffre publié en septembre par l’Agence France Trésor est de 49,5 % de la dette publique française négociable détenue par des non-résidents. Mais selon le ministre des comptes publics, dans une intervention dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le 22 mars, les investisseurs étrangers « représentent toujours 65 % des détenteurs de la dette française une fois retraité cet effet d’optique lié à la politique monétaire de la BCE ».
Si l’on en croit des chiffres qui circulent à Bercy, de l’ordre de 250 à 300 milliards d’euros de dette française seraient détenus en Chine. Ce chiffre est-il proche de la réalité ? Difficile à dire, mais cela pose question, sachant que le volume de titres détenus par les non-résidents est d’environ 1 300 milliards d’euros (la moitié en zone euro).
L’arme de Pékin
Certes, la Chine possède aussi plus de 1 000 milliards de dollars de dette publique américaine (soit un peu moins de 4 % de la dette américaine d’avant la crise du Covid-19), ce qui fait dire à certains que cette créance est une arme dans les mains de la Chine pour négocier avec les Etats-Unis. Que dire alors pour la France ? Avons-nous encore le droit de nous fâcher avec la Chine ? C’est une vraie question. Même les pays les plus endettés, comme le Japon ou l’Italie, prennent bien soin de ne pas trop internationaliser leurs dettes, avec 14 % pour le Japon et 30 % pour l’Italie au dernier trimestre 2020. Et les Etats-Unis ont seulement 24 % de leur dette publique détenue en dehors de leurs frontières, toujours à fin 2020.
La France vogue actuellement vers les 3 000 milliards d’euros de dette publique. Nous serons à 2 950 milliards d’euros de dette fin 2022. Les niveaux de financement et de refinancement de la France risquent de devenir plus problématiques à partir de 2023, avec environ 180 milliards d’euros de dettes anciennes arrivant à échéance cette année-là. Simultanément, la BCE devrait petit à petit réduire la voilure de ses rachats de dettes publiques. Francfort a d’ores et déjà annoncé un « ralentissement » à venir de ses rachats d’actifs.
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