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Au Soudan, la ville de Bahri pleure ses martyrs

Par Eliott Brachet

Publié aujourd’hui à 11h57

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ReportageAu moins quinze personnes ont été tuées et des centaines blessées à Khartoum et dans sa banlieue mercredi, portant le bilan de la répression à 39 morts depuis le coup d’Etat.

La terre est encore humide, la pierre tombale pas encore gravée. Ismail Taj al-Sir pose une main sur le monticule de terre où repose la dépouille de son frère. Dans l’autre, il tient une photo du mort, Luay, le benjamin de la famille. Le corps de ce professeur des écoles, percé de deux balles, l’une dans la main gauche, l’autre dans la poitrine, gisait la veille à la morgue de l’hôpital al-Duwali de Bahri, ville jumelle de Khartoum, dont elle est séparée par les eaux du Nil bleu.

La ville pleure ses « martyrs » au lendemain de la journée la plus meurtrière depuis le coup d’Etat militaire mené par le général Abdel Fattah al-Bourhane, le 25 octobre, et l’arrestation de la quasi-totalité des représentants civils des autorités de transition. Populaire et contestataire, la banlieue nord de la capitale soudanaise est celle qui a été le plus sévèrement frappée par la répression, mercredi 17 novembre. Au moins quinze personnes ont été tuées et des centaines blessées ce jour-là, portant le bilan de la répression à 39 morts depuis le putsch. Le lendemain, les processions funéraires s’y succédaient.

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« Mon frère a enseigné toute sa vie. Les professeurs sont un maillon essentiel de notre société. C’est ça que les généraux assassinent », dénonce Ismail Taj al-Sir, rappelant que depuis décembre 2018, son frère a participé pacifiquement à toutes les manifestations contre Omar al-Bachir pour réclamer « l’avènement d’un nouveau Soudan » et qu’il était opposé, pour les mêmes raisons, au coup de force des généraux.

« Des tueries inacceptables »

Jeudi, l’Union européenne (UE) a dénoncé « des tueries insensées inacceptables », tandis que le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique a appelé la communauté internationale à « faire pression sur le pays pour faire cesser immédiatement la répression ». Le comité central des Forces pour la liberté et le changement, la coalition de partis civils qui partageait le pouvoir avec l’armée jusqu’au 25 octobre, a qualifié les tueries de mercredi de « crime contre l’humanité ».

Ismail Taj al-Sir tient la photo de son frère Louay, tué lors d’une manifestation à Bahri le 17 novembre 2021. ABDULMONAM EASSA POUR « LE MONDE » Le 18 novembre 2021, Hani Alhadi, 31 ans, pleure à côté de la tombe de son ami Louay Taj al-Sir, un enseignant tué la veille à Bahri. « Nous étions collègues à l’école. Nous avons travaillé ensemble et traversé beaucoup d’épreuves. On a même mangé ensemble le jour de sa mort. Mais il n’est plus là, il est parti », dit-il. ABDULMONAM EASSA POUR « LE MONDE »

Ces dénonciations, pressions ou menaces de suspension de l’aide ou du soutien diplomatique venues de l’étranger et de l’intérieur ne font pas reculer les putschistes. Au contraire. A Bahri, plusieurs témoins affirment avoir vu des soldats barrer la route à plusieurs ambulances chargées de blessés. Des infirmiers et des journalistes présents sur place auraient été agressés par les forces de l’ordre. Alors que le principal hôpital était saturé, des cliniques de fortune ont dû être improvisées dans plusieurs maisons.

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