Livre. Entre les générations, un fossé s’est ouvert, particulièrement entre grands-parents soixante-huitards et petits-enfants nés au début du millénaire, le journaliste et essayiste Brice Couturier en est convaincu. La faute à l’« idéologie woke » ou, selon l’expression de l’auteur, « la révolution culturelle woke ». Il faut comprendre par là la nouvelle gauche, que l’auteur assimile à une « culture victimaire » au service de certains groupes au sein de la société : les minorités ethniques et de genre. Exerçant une « hégémonie culturelle » aux Etats-Unis, un soft power américain aurait perverti la jeunesse française, exaspérant au passage le reste de la population. Avec cette critique, Brice Couturier rejoint le complexe woko-médiatique obsédé par cette question.
Des auteurs farouchement conservateurs
Le journaliste mène son enquête en parcourant des articles de presse et des livres. Des auteurs farouchement conservateurs tels le philosophe britannique Roger Scruton (1944-2020), son compatriote le journaliste Douglas Murray, le journaliste américain Christopher Caldwell (mais aussi, plus au centre, le politologue Yascha Mounk) sont convoqués et servent d’appui pour s’opposer aux idées développées notamment par la philosophe Judith Butler (grande figure des études de genre), la juriste Kimberlé Williams Crenshaw (autrice du concept d’intersectionnalité), ou Jacques Derrida (1930-2004).
Il n’y a pas ici de rencontre de cette tempétueuse jeunesse ni de visites de ces dangereux campus américains que l’on ne peut pas réduire à l’image qu’en donnent les posts Twitter. Brice Couturier s’appuie aussi sur l’opinion d’un sondeur américain qui observe que l’âge est le principal clivage politique, entre des plus jeunes proches de la gauche radicale et des têtes grises plus modérées et toujours attachées à la liberté chantée au temps du « Peace and Love ».
Bien différente de la jeunesse d’aujourd’hui serait donc la génération des soixante-huitards. Les enfants qui ont grandi avec des fleurs dans les cheveux auraient été « élevés dans l’esprit des Lumières », comme s’ils n’avaient pas eux-mêmes introduit la rupture dénoncée par Brice Couturier. Le radicalisme des facs, le féminisme, la question gay, celle des minorités, l’écologie sont des mouvements qui ont vu le jour dans le sillage des années 1960 et 1970, animés par des jeunes s’opposant à leurs parents.
Ni « lost » ni « X generation »
Hier comme aujourd’hui, le zèle enfièvre parfois les esprits et doit être dénoncé. Mais réduire les évolutions en cours à leurs expressions les plus radicales est un peu court. En outre, il n’est pas sûr que la catégorie de « génération » soit appropriée en France où, contrairement aux Etats-Unis, l’histoire est moins découpée de cette façon. Mis à part les soixante-huitards, il n’y a pas ici de « lost generation » (marquée par la première guerre mondiale), de « greatest generation » (qui a connu la dépression et la seconde guerre mondiale), « X generation » (hantée par le rejet de la société matérialiste des années 1980) ou, plus récemment la « Y », celle des millennials. Avec ce livre, Brice Couturier participe à répandre un mal qu’il souhaite combattre, une américanisation des esprits.
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