Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés depuis 2016, le diplomate italien Filippo Grandi analyse la crise entre la Biélorussie et la Pologne. Et déplore l’attitude de beaucoup d’Européens, qui préfèrent ériger des murs aux frontières et refouler les demandeurs d’asile.
Le UNHCR et l’Organisation internationale des migrations sont parmi les rares à avoir eu accès à la zone frontalière entre la Biélorussie et la Pologne. Qu’y ont-ils découvert ?
Nous avons financé et organisé des distributions d’équipements de protection contre le froid, de médicaments et de vivres à quelque 2 000 personnes, jeudi 11 novembre, grâce à notre partenaire, la Croix-Rouge biélorusse. C’était le plus urgent. Nous avons indiqué aux autorités biélorusses que notre but était aussi d’examiner des solutions possibles pour ces gens auxquels on a fait des promesses intenables et qui ne peuvent séjourner là plus longtemps. Beaucoup s’accrochent à un espoir, d’autres voudraient, semble-t-il, rentrer chez eux, et nos organisations sont prêtes à les aider. Soit à repartir, soit à demander l’asile en Biélorussie car, même si cela vous étonne, ce pays possède un système qui fonctionne plutôt bien. Enfin, il faut examiner le cas des quelques personnes qui pourraient bénéficier des règles du regroupement familial en Europe.
L’instrumentalisation de la migration par le régime de Minsk semble évidente. Mais comment jugez-vous l’attitude de la Pologne, et de l’Union européenne en général ?
Exprimer inquiétudes et critiques à l’égard d’une manipulation et d’une mise en danger inacceptable de personnes vulnérables est légitime, justifié. Au-delà, je déplore ce qui a suivi : le sort de ces quelques milliers de personnes me semblait gérable, sans panique et sans l’idée que seuls la construction de murs et le refoulement seraient des solutions. Sans doute cela peut-il aider certains politiciens à gagner des élections mais cela ne résout rien et démontre, en outre, la vulnérabilité de l’Europe. Ce qui ne fera qu’encourager ceux qui veulent exploiter cette faiblesse. Le thème de la migration a besoin d’être dédramatisé. La politisation de ce sujet ne sert à rien, bien au contraire.
On semble, en Pologne et ailleurs, « institutionnaliser » les refoulements, en fait…
Des courants politiques poussent pour restreindre l’espace d’asile en prenant comme justification ce qui se déroule aujourd’hui à la frontière polonaise. Cette érosion et la restriction de l’accès à des personnes réellement en demande de protection internationale sont très inquiétantes et contraires aux valeurs proclamées par l’Union. Cela peut avoir un énorme retentissement dans le monde, où beaucoup de pays, nettement moins riches, sont, bien davantage que nous, frappés par l’afflux de réfugiés. Cela pourrait donc influer fortement sur la pratique du droit d’asile un peu partout.
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