Les plus pauvres moins bien lotis
Le gouvernement a crié victoire un peu vite, en octobre, en publiant son analyse de l’impact du quinquennat sur le pouvoir d’achat des Français. Contrairement à ce qu’il prétendait –une hausse de 4% du niveau de vie pour les 10% les plus pauvres–, les moins aisés ressortent moins bien lotis que la moyenne des Français. Et pour cause, l’exécutif s’était attribué le bénéfice de certaines réformes décidées par François Hollande, comme les revalorisations des aides familiales ou du RSA. En remettant les pendules à l’heure, l’IPP montre qu’une partie des 5% les plus précaires y ont carrément perdu.
En cause, la fiscalité sur l’énergie et le tabac, d’abord, qui touche particulièrement les plus modestes, et qui n’a pas été entièrement compensée par les mesures de redistribution prises après la crise des gilets jaunes. Certes, les actifs dont le salaire se situe aux alentours du Smic, et les ménages qui touchent autour de 900 euros par mois, ont profité d’un gain de l’ordre de 2% de revenu, grâce aux revalorisations de la prime d’activité pour les premiers, et du minimum vieillesse (ASPA) et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), pour les seconds. Mais en dessous de 800 euros mensuels, la politique d’Emmanuel Macron a été pénalisante. Une perte légère (moins de 0,5%) pour les trois quarts de la catégorie.
Les retraités, victimes de la hausse de CSG
S’ils avaient massivement voté pour Emmanuel Macron en 2017, les retraités n’ont pas été chouchoutés pour autant. Ce sont les victimes d’une des promesses de campagne du chef de l’Etat: la baisse des cotisations sociales –qui profite aux seuls travailleurs- compensée par une hausse de la CSG –qui frappe tous les revenus, y compris les retraites. A cela s’est ajouté un quasi-gel des pensions en 2019 et 2020, qui a coûté aux seniors 3,4 milliards d’euros. Pas étonnant que le niveau de vie des retraités ait stagné ou très faiblement progressé durant le quinquennat. Parmi les 10% de retraités les plus riches, seul le top 1% a vu sa situation financière s’améliorer notamment grâce à la suppression de l’ISF. Les autres ont tous été frappés au porte-monnaie.
Parmi les retraités modestes, certains ont été pénalisés par la hausse de la fiscalité de l’énergie et du tabac ou la baisse des aides au logement sans pouvoir toucher la prime d’activité versée aux seuls actifs. Tout en bas de l’échelle, à l’inverse, l’augmentation du minimum vieillesse à plus de 900 euros, soit une enveloppe totale de 500 millions d’euros, a dopé les revenus. Chez les 10% de retraités les plus modestes, la hausse des niveaux de vie varie ainsi de 0,1% à près de 5,5%.
Les actifs des classes moyennes, grands gagnants
Ils font partie des grands gagnants du quinquennat, profitant à la fois des promesses de campagne d’Emmanuel Macron et des mesures « gilets jaunes ». Dans leur ensemble, les classes moyennes, situées entre les 40e et 80e centiles de la population (de 1.500 à 2.600 euros de revenus mensuels), ont toutefois enregistré une hausse modérée de leur niveau de vie, allant de 1,25% à 1,9%, soit 250 à 550 euros par an en moyenne. Mais, si l’on se concentre uniquement sur les actifs, la hausse est bien plus forte, comprise entre 3% et 4%.
Les travailleurs bénéficient, comme les retraités, de la suppression de la taxe d’habitation, réalisée en trois étapes de 2018 à 2020, qui a eu un impact sur le niveau de vie d’environ 1,5%. Il faut ensuite y ajouter les gains issus de la bascule des cotisations sociales vers la CSG et de l’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires, qui ont été complètement défiscalisées à la suite de la crise des gilets jaunes. Autre mesure très favorable décidée fin 2018: la baisse de l’impôt sur le revenu (IR), d’un montant total de 5,4 milliards. Elle a surtout profité aux 12 millions de foyers, situés dans la première tranche du barème (jusqu’à 25.710 euros), dont le taux a été abaissé de 14% à 11%. En revanche, les classes moyennes ont aussi été pénalisées par les sous-revalorisations de certaines prestations sociales ainsi que par la hausse de la fiscalité indirecte (énergie, tabac).
Les plus riches, champions toutes catégories
Le bilan du quinquennat pour les plus riches varie du tout au tout selon le choix de la focale. En observant l’ensemble des 10% les plus aisés, Bercy conclut à une augmentation de leur niveau de vie de 2%, deux fois inférieure à celle des 10% les plus pauvres. Mais en regardant plus finement le 1% des plus aisés, les économistes de l’IPP montrent que ce sont eux qui ont le plus profité des années Macron, avec une hausse de 2,8% de leur niveau de vie, soit un gain annuel de 3 500 euros. Et la hausse atteint même 4,1% pour le top 0,1% des Français.
Cet enrichissement provient principalement de la suppression de l’ISF, pour un montant de 3,1 milliards d’euros, ainsi que de l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (1,8 milliard), qui a adouci la fiscalité sur les revenus du capital. « Une part croissante des revenus des foyers les plus aisés est constituée de revenu du capital », soulignait d’ailleurs France Stratégie, mi-octobre, en relevant la forte hausse des dividendes versés.
Hormis le top 1%, les gains pour le reste des 20% les plus riches s’interprètent différemment selon qu’on examine leur situation en pourcentage ou en euros. Leur niveau de vie a ainsi augmenté, de l’ordre de 1,1% à 1,8%, proche ou en deçà de la moyenne des Français. Mais, en euros sonnants et trébuchants, ils ont encaissé entre 630 et 930 euros par an, largement plus que le reste de la population. Ils bénéficient en particulier de la suppression de la taxe d’habitation, qui devait être initialement réservée aux classes populaires et moyennes. Sur les 18,5 milliards d’euros de gains liés à la mesure, les 20% les plus riches accaparent 44% du total.
David Bensoussan, Laurent Fargues et Alice Mérieux
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