LETTRE DE BANGKOK
Des manifestants échappent aux jets d’eau de la police dans le quartier Din Daeng de Bangkok, le 29 août 2021. STRINGER / REUTERS
C’est une enfilade, sur près d’un kilomètre, de barres de logements sociaux fatigués de quatre étages, aux balcons encombrés de bric-à-brac et aux grilles noires de graisse : elles valent au quartier de Din Daeng, au centre de Bangkok, l’appellation de « bidonville vertical ». D’un côté des immeubles, une avenue à six voies qui éclate au carrefour dans un écheveau de béton. De l’autre, la rue qui grouille d’étals et de petits commerces, puis, au-delà, le quadrillage de soi (ruelles).
Chacune des HLM possède un entresol accessible de la rue, où des artisans louent un espace à l’office du « logement public national ». Une vieille femme garde des chats en cage, depuis longtemps indifférents aux rats qui filent d’un recoin à un autre. Un homme confectionne des médaillons pour amulettes bouddhistes et nous montre trois balles en caoutchouc qu’il a retrouvées un matin fichées dans son établi.
Din Daeng, littéralement « terre rouge », en raison de la poussière rouge soulevée par les travaux de l’axe routier dans les années 1950, est un champ de bataille intermittent et sauvage de la contestation protéiforme qui s’exprime sur les réseaux sociaux et dans différents endroits de la capitale thaïlandaise depuis trois ans contre le gouvernement de l’ex-général putschiste Prayuth Chan-o-cha et l’emprise sur la vie politique du Palais royal. Après quatre ans de junte, M. Prayuth s’est fait élire premier ministre en 2019 en brisant l’opposition grâce à une justice aux ordres et avec le soutien d’un sénat de 250 membres désignés par lui-même et ses affidés.
A Din Daeng, la jeunesse déclassée a baptisé son mouvement « Thalugaz » − « ceux qui traversent les gaz » −, en l’occurrence celui des grenades lacrymogènes. Thalugaz est né suite à une marche organisée en février par d’autres mouvements − les « Thalufah » (« ceux qui traversent le ciel », strictement non violents) et le Free Youth Movement – jusqu’à la résidence actuelle du premier ministre, située dans l’enceinte du 1er régiment d’infanterie, sur l’un des axes qui mènent au carrefour de Din Daeng. Les autorités ont placé des conteneurs pour en interdire l’accès et la police antiémeute a dispersé les manifestants, mais des clashs ont continué pendant plusieurs jours avec des hordes de jeunes en deux-roues.
La redoutée loi de « lèse-majesté » va bon train
Din Daeng est depuis devenu un point chaud de la contestation : ces derniers mois, une fois la nuit tombée et au-delà du couvre-feu lié au Covid-19, fixé à 21 heures, et récemment levé, des jeunes ont nargué presque quotidiennement à coups de feux d’artifice et de lance-pierres la police, qui répond en les pourchassant à grand renfort de balles en caoutchouc. Plusieurs jeunes ont été blessés − un adolescent de 15 ans touché en août est mort fin octobre −, tandis qu’un policier a reçu début octobre une balle dans la tête, entraînant des raids policiers.
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