Les syndicats, qui contestent la réforme du calcul de l’allocation chômage entrée en vigueur le 1er octobre, ont joué lundi, sans grand espoir, leur dernière carte devant le Conseil d’Etat dont la rapporteure publique a recommandé le rejet de leurs requêtes. La plus haute juridiction administrative a examiné lundi « sur le fond » les recours des syndicats et rendra sa décision dans les prochaines semaines. Chargée d’éclairer les juges, la rapporteure publique Marie Sirinelli a longuement détaillé les différentes « critiques » faites à la réforme pour les rejeter une à une.
« Remonter la pente de la rapporteure sera peu commode », a concédé l’avocat de la CGT, Me Antoine Lyon-Caen, après avoir martelé à l’audience que cette réforme est « la plus inique de tous les textes depuis 1958 sur l’assurance chômage car elle frappe d’abord les précaires ». Au centre du contentieux, le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l’allocation chômage, qui va pénaliser l’indemnisation des demandeurs d’emploi alternant périodes de travail et d’inactivité.
Dans un contexte de difficultés de recrutement, Emmanuel Macron a estimé la semaine dernière que cette réforme était « indispensable (…) pour rendre la reprise du travail plus attractive dans tous les cas », les règles précédentes pouvant rendre parfois plus rémunératrice cette « permittence » qu’une activité continue à mi-temps par exemple. Pour y remédier, la réforme de 2019 prévoyait que le SJR soit calculé en divisant les salaires perçus au cours des 24 mois avant le chômage par l’ensemble des jours – et non plus les seuls jours travaillés – entre le premier et le dernier jour d’emploi.
Mécaniquement, cela baisse fortement le montant de l’allocation (puisqu’on divise le même salaire par plus de jours) de ceux qui ne travaillent pas en continu. Le Conseil d’Etat avait invalidé en novembre 2020 cette mesure au motif qu’elle entraînait « une différence de traitement manifestement disproportionnée » entre chômeurs, le premier d’une série de rebondissements judiciaires. Mais, en dépit de ces obstacles, le gouvernement n’a pas renoncé à ce texte « rhinocéros » dont « la peau dure le dispute à l’obstination qui le sous-tend », a constaté la rapporteure.
Pas de différence « disproportionnée »
Au terme d’une concertation avec les partenaires sociaux, l’exécutif a pris un nouveau décret fin mars – celui contesté à l’audience – qui plafonne le nombre de jours non travaillés pris en compte dans le calcul, ce qui « atténue nettement » ces différences pour Mme Sirinelli. Si, selon l’Unédic, plusieurs centaines de milliers de demandeurs ouvrant des droits dans l’année suivant l’application de la réforme toucheront une allocation mensuelle plus faible (de 17% en moyenne), cela reste « en dessous de la ligne de ce qui constituerait une différence de traitement disproportionnée », a-t-elle estimé.
Les avocats des syndicats ont insisté sur le décalage entre l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul et celle du bonus-malus sur les entreprises (dans sept grands secteurs consommateurs de contrats courts) qui n’aura d’effet sur les cotisations chômage qu’en septembre 2022. « Avec le SJR, la précarité des demandeurs d’emploi c’est maintenant, alors que pour les entreprises, le bonus malus c’est on ne sait pas quand », a résumé Me Cédric Uzan-Sarano pour l’Unsa. L’exécutif, qui compte sur cette mesure pour lutter contre l’abus de contrats précaires, répond que la période d’observation des entreprises pour calculer cette modulation a démarré dès juillet 2021.
Enfin, si les économies attendues par la réforme (1,9 milliard en 2022 dont 800 millions liés au SJR, selon l’Unédic) vont au-delà de celles fixées initialement par le gouvernement (entre 1 et 1,3 milliard), la rapporteure a estimé qu »un tel écart n’est pas significatif », à l’inverse des syndicats. Le reste de la réforme contestée, qui a passé l’étape du Conseil d’Etat, s’appliquera au 1er décembre. Il faudra avoir travaillé six mois au lieu de quatre pour bénéficier d’une allocation chômage. La dégressivité de 30% (pour les chômeurs de moins de 57 ans ayant perdu une rémunération supérieure à 4.500 euros brut) s’appliquera au 7e mois et non plus au 9e.
Avec AFP
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