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Etel Adnan, navigatrice des langues, des arts et des continents

Par Emmanuelle Lequeux

Publié aujourd’hui à 16h19

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PortraitSi le monde de l’art plébiscite Etel Adnan, 96 ans, ses toiles et dessins ont longtemps été ignorés. Née à Beyrouth, la peintre et poétesse fait dialoguer lettres, manuscrits et œuvres graphiques au sein de l’exposition « Ecrire, c’est dessiner » au Centre Pompidou-Metz.

Un hall triste, béton et carrelage, un second étage, et on arrive à l’appartement. Par la fenêtre, on voit la baie d’Erquy (Côtes-d’Armor) et son arrondi ­parfait. Ici se réfugie Etel Adnan, dans le secret de la Bretagne du Nord, quand elle est lasse de Paris. Elle a 96 ans, mais semble en avoir vécu mille. Née au Liban, la poétesse et peintre a habité Beyrouth, Paris, Los Angeles… Pourtant, jamais elle ne se lasse des caprices des marées, de la lumière changeante, du vol gracieux des gravelots qu’elle observe depuis sa terrasse.

Une femme face à l’océan. « Les gens viennent du monde entier pour rencontrer cette dame », s’étonne le chauffeur de taxi qui fait la navette avec la gare de Saint-Brieuc. « Aujourd’hui, le monde vient à elle comme elle est allée à lui, confirme la commissaire d’exposition Mouna Mekouar, l’une de ses admiratrices les plus ferventes. Etel est comme un soleil, dont émane beaucoup de lumière, et elle reçoit aussi beaucoup, car elle a la sagesse de savoir écouter. » Un vers de la poétesse lui a inspiré l’exposition « Luogo e segni » (« lieux et signes »), à la Pointe de la douane de Venise, en 2019, autour « du clair et de l’obscur, de la lumière et ses éclats, du vent et de la mer ».

Au Centre Pompidou-Metz, se réalise un rêve d’Etel Adnan : exposer la langue et l’écriture « comme un tableau dans un musée ».

Plus que des pèlerins, c’est sa famille de cœur qui vient lui rendre hommage à Erquy. Poètes, marchands, curateurs, artistes, bien sûr : rien qu’en septembre, Emma Lavigne, nouvelle directrice générale de la ­collection Pinault (et ancienne présidente du Palais de Tokyo, à Paris) a fait le voyage, ainsi que Chiara Parisi. Cette dernière, à la tête du Centre Pompidou-Metz, y orchestre, avec le commissaire Jean-Marie Gallais, l’exposition « Ecrire, c’est dessiner », autour d’un rêve d’Etel Adnan : exposer la langue et l’écriture, les manuscrits et les ­carnets de notes « comme un tableau dans un musée ».

De manuscrits mérovingiens en « litanies » de Louise Bourgeois, de dessins de Victor Hugo en brouillons de Roland Barthes, le musée messin se fait, cet automne, un véritable empire des signes avec l’œuvre ­d’Adnan en référence. Ses poèmes utilisent des phrases simples, efficaces. Rien n’est jamais alambiqué. Comme ses peintures, pleines de couleurs vives. Souvent des paysages, une montagne en forme de triangle, un astre rond, une rivière qui coule. Elle s’autorise l’abstraction avec des carrés, des cercles, des lignes, toujours simples.

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