Cible de la vindicte populaire, une dizaine de gigantesques sculptures, baptisées « arbres de vie » par les autorités, étaient abattues par une foule de Nicaraguayens réclamant, au printemps 2018, la fin du régime du président Daniel Ortega. A 20 000 dollars pièce, ces structures métalliques de toutes les couleurs qui ont envahi les boulevards de Managua, la capitale du Nicaragua, sont devenues le symbole des dérives de l’ancien guérillero sandiniste et de son épouse, Rosario Murillo, vice-présidente de ce petit pays d’Amérique centrale, l’un des plus pauvres du continent. Leur abattage avait été stoppé par une féroce répression qui avait fait plus de trois cents morts. Trois ans et demi plus tard, leurs branches enroulées s’illuminent toujours la nuit, conférant à la ville décrépie des airs de Foire du Trône.
Des manifestants abattent un « arbre de vie », une sculpture monumentale installée par le gouvernement, à Managua, le 21 avril 2018. ALFREDO ZUNIGA/AP
Indéboulonnable comme ces arbres d’acier, le couple présidentiel a persisté dans le tout répressif pour assurer sa réélection, le 7 novembre, et conserver un pouvoir absolutiste et autoritaire, bien loin des idéaux du sandinisme. Aux violences policières a succédé le harcèlement judiciaire avec l’adoption, fin 2020, de lois liberticides. Les organisations non gouvernementales (ONG) percevant des fonds internationaux sont désormais interdites. Par ailleurs, les « traîtres à la patrie » qui « compromettent la souveraineté nationale », « altèrent l’ordre constitutionnel » ou « incitent à l’ingérence étrangère » s’exposent à de lourdes peines. Grâce à cet arsenal juridique, le régime s’est livré à une véritable chasse aux opposants, dont trente-neuf ont été mis sous les verrous dans les mois précédant les élections présidentielle et législatives.
Escalade répressive
La première victime de cette nouvelle escalade répressive a été Cristiana Chamorro, journaliste et fille de Violeta Barrios de Chamorro, ancienne présidente du Nicaragua (1990-1997). La plus populaire des candidats potentiels de l’opposition a été interpellée, le 2 juin, à son domicile de Managua, où elle est, depuis, maintenue en résidence surveillée après avoir été accusée, notamment, de « blanchiment d’argent ». Avant même la date limite de dépôt officiel des candidatures, le 2 août, six autres adversaires de M. Ortega étaient placés en détention, et deux contraints à l’exil.
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Hormis cinq petites formations à la botte du régime, les partis d’opposition ont été dissous, laissant le champ libre au couple dirigeant et à son parti, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Cette vague d’arrestations n’a épargné ni les journalistes, ni les défenseurs des libertés, ni les grands patrons. Des médecins qui s’alarmaient de la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19, minorée par le régime, ont été harcelés, voire poussés à quitter le pays. « En décapitant l’opposition, Ortega a imposé une farce électorale », fustige le sociologue Oscar René Vargas. Cet ancien guérillero sandiniste, qui a bien connu M. Ortega lors de la révolution de 1979, avant de rompre tout lien avec lui, a évité la prison cet été en prenant la route de l’exil, comme plus de 108 000 Nicaraguayens depuis 2018.
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