“La pauvreté est restée stable en 2020.” C’est un constat étonnement à contre-courant de ce que laissaient entendre les associations et leur “million de pauvres en plus en 2020” que révèle l’Insee ce jeudi. D’après la dernière estimation du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalité, ce dernier est resté stable à 14,6 % en 2020, chiffre identique à celui de 2019. En grande partie grâce aux mesures économiques extraordinaires prises par le gouvernement lors de la crise sanitaire. “Particulièrement les aides exceptionnelles aux ménages à bas revenus”, précise l’institut français des statistiques dans son estimation.
Une explosion de la pauvreté évitée par le “quoi qu’il en coûte”
A première vue, cette conclusion peut surprendre. “La crise sanitaire est la plus grande crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale, il y avait des raisons de s’inquiéter”, explique Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire des inégalités. Elle partage la conclusion de l’Insee. Si la pauvreté ne s’est pas accentuée, c’est grâce aux mesures extraordinaires du gouvernement. “La stratégie du ‘quoi qu’il en coûte’ a permis d’éviter un effondrement économique.”
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En plus de l’activité partielle mise en place pour les salariés, qui a en grande partie profité aux
Cependant, pour Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire français, ces mesures ne sont pas allées assez loin. « Ces dispositifs, heureusement qu’ils ont été mis en place, sinon nous aurions eu encore plus de demandes. Mais, ils ne ciblaient que ceux qui étaient déjà connus des services sociaux. Ceux qui subvenaient difficilement à leurs propres besoins – les petits commerçants, les étudiants, les indépendants… – se sont retrouvés seuls face à la crise, et se sont donc tournés vers les associations. »
Précarités masquées
Ces mesures cacheraient-elles alors la véritable misère? D’autant que la fiabilité de l’étude est questionnée. Jean-Luc Tavernier, le directeur général de l’Insee, lui-même pointe les limites de cette analyse sur le blog de l’institut. “L’échantillon est limité à ce qu’on appelle les ménages ‘ordinaires’, ce qui exclut les personnes qui vivent en communautés (résidences étudiantes, maisons de retraite, casernes, prisons, etc.) et les personnes sans domicile ; il ne couvre pas non plus les départements d’Outre-mer” et “n’intègre que les revenus connus de l’administration.” Henriette Steinberg résume: « Comme pour les aides de l’Etat, l’Insee s’appuie sur les registres officiels. » Autrement dit, ils ne prennent en compte ni les revenus non déclarés, ni les SDF, ni les “petits boulots”, ni les revenus des étudiants, dont la précarité s’est dramatiquement aggravée durant la crise du Covid-19.
Une absence de données qui ne surprend pas Anne Brunner. “Toutes ces populations sont difficiles à saisir et à additionner avec les ménages ordinaires. C’est un défaut de l’indicateur. Mais, au vu de la situation, il est possible que cette absence de données masque une partie de l’appauvrissement de la population, notamment chez les jeunes et les étudiants.” Henriette Steinberg va plus loin et affirme que la pauvreté s’est accrue sur l’ensemble du territoire. « Nous n’avons constaté aucune stabilité de la pauvreté en France. Au contraire, il y a eu une augmentation rapide et puissante des personnes en difficulté dès février 2020. »
Surtout, le risque avec ces aides est qu’elles ne fassent que repousser des conséquences inévitables. “Pour l’instant, c’est difficile à dire, tempère Anne Brunner. Cela va dépendre de trois facteurs. La brutalité avec laquelle les dispositifs vont être supprimés, la qualité de la reprise économique et la manière dont évoluera le chômage.”
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