Et ça continue… Embauché au sein des services vétérinaires de l’abattoir de Cuiseaux (71) du groupe Bigard-Charal-Socopa, un lanceur d’alerte témoigne pour L214 du manque de personnel pour surveiller la mise à mort des animaux, alors qu’un tiers des bovins (150 par jour) y sont abattus sans étourdissement. L’employé a également filmé des prélèvements de sang effectués sur des fœtus de veaux. La Fondation 30 Millions d’Amis dénonce l’inaction des pouvoirs publics.
Des souffrances qui passent « inaperçues » ?! L’abattoir de Cuiseaux (71) du groupe Bigard (marques Bigard, Socopa, Charal), leader de la viande bovine en France et en Europe, met à mort chaque jour un demi-millier de bovins. Or, les services vétérinaires (chargés de surveiller le respect des règles sanitaires et de protection animale sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture, NDLR) seraient en sous-effectif dans l’établissement, selon une nouvelle enquête publiée par L214 et basée sur un témoignage inédit. Pour le compte de l’association, Thomas Saïdi s’est fait embaucher en tant que « préposé sanitaire » au sein des services vétérinaires officiels de l’abattoir. Le jeune homme y a filmé une partie de la chaîne d’abattage, de l’arrivée des animaux jusqu’aux premières découpes…
(Attention, les images ci-dessous sont susceptibles de heurter le public)
Si l’enquêteur affirme avoir été recruté « sans aucune formation officielle », il s’est pourtant retrouvé « à réaliser des inspections relatives à la santé et à la protection des animaux vivants », souligne l’association qui s’étonne des responsabilités confiées en peu de temps à l’employé : « Une semaine après avoir été embauché, et sans avoir reçu de formation, tout au plus quelques consignes contradictoires de ses collègues sur le tas, il était déjà seul à contrôler l’abattage rituel. Trois semaines après sa prise de poste, il contrôlait en autonomie l’état sanitaire des carcasses et abats sur la chaîne. Et après seulement deux mois en poste, il s’est retrouvé lui-même en situation de former une personne nouvellement arrivée », affirme l’association dans un communiqué.
Coups de bâton, chocs électriques et blessures
Sur 500 mises à mort chaque jour, seules 5 à 10 seraient contrôlées.
L214
Le vétérinaire officiel de l’abattoir aurait confié au lanceur d’alerte : « Il n’y a pas assez de personnel, c’est vrai que si on doit suivre le règlement, il faut qu’on regarde tous les animaux au moment de l’abattage, mais c’est pas ce qu’on fait dans la réalité. » Ainsi, l’abattage rituel (sans étourdissement), qui concernerait environ 150 bovins par jour dans l’établissement, ne serait en réalité contrôlé que pour 5 à 10 bovins seulement. Quant à l’abattage « standard », il ne serait tout simplement pas surveillé, en infraction avec la réglementation (arrêté du 12 décembre 1997) si ce fait est avéré. En 2014, la Cour des Comptes relevait dans un rapport que « (…) l’absence de contrôle à un niveau significatif et l’absence de sanctions suffisantes mettent en lumière des anomalies graves ». Une situation qui perdurerait encore aujourd’hui.
Toujours selon son témoignage, le lanceur d’alerte – qui, fait rare, a accepté de témoigner à visage découvert – aurait été « témoin de graves infractions à la réglementation et de souffrances évitables aux animaux », observant des bovins encore conscients après avoir été égorgés (abattage rituel) et suspendus par une patte à la chaîne d’abattage sans qu’il ne soit procédé à aucun étourdissement d’urgence. Il affirme également avoir relevé des coups de bâton et des chocs électriques infligés dans les yeux des animaux pour les faire avancer, ou encore, des bovins gravement blessés – avec une jambe fracturée – laissés sans soins pendant une dizaine d’heures avant d’être abattus. Et lorsqu’il s’inquiète auprès d’un collègue de savoir où se trouve la nourriture pour les bêtes, la réponse aurait été sans ambiguïté : « Bah en fait la loi n’oblige pas à (leur) donner à manger sauf au bout de tant de temps (…). Ils peuvent rester 48 heures sans manger. »
Prélèvements de sang sur des fœtus de veaux
Tous les jours je voyais une cinquantaine de fœtus, plus ou moins gros dont certains sont sur le point de naître.
Thomas Saïdi, lanceur d’alerte
Et ses accusations ne s’arrêtent pas là : « Il y a quelque chose qui m’a particulièrement touché et choqué, c’est qu’on abat des vaches gestantes tous les jours, confie le lanceur d’alerte. Tous les jours je voyais une cinquantaine de fœtus, plus ou moins gros, dont certains sont sur le point de naître. » Un constat qui prouverait – selon L214 – une infraction à la réglementation, interdisant de transporter des vaches au-delà du huitième mois de gestation. Quant au sang des jeunes bovins, il serait prélevé en totalité par ponction cardiaque afin d’en extraire le sérum de veau fœtal (ou sérum fœtal bovin), utilisé en laboratoire pour la culture de cellules et de tissus in vitro…
« Pendant quatre mois, j’ai tranché chaque jour des centaines de cœurs encore chauds, de manière si mécanique, si répétée, que j’en venais parfois à ne plus faire le lien avec l’animal, avoue le jeune homme. Pourtant, il suffisait d’un cri, un cri si puissant qu’il me traversait le corps, pour me rappeler que les organes que j’avais devant moi constituaient quelques minutes auparavant un être qui ne demandait qu’à vivre. Aujourd’hui, je souhaite que ces cris soient entendus de tous et que les consommateurs puissent eux aussi faire ce lien. » Portant plainte pour sévices graves et déposant un recours en responsabilité contre l’État, l’association L214 lance une pétition demandant au gouvernement d’interdire la mise à mort de vaches gestantes, au moins lors du dernier tiers de leur gestation, à l’exemple de l’Allemagne.
Interdire l’abattage sans étourdissement et généraliser l’abattage sur le lieu d’élevage
8 Français sur 10 favorables à l’abattage sur le lieu d’élevage.
Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis /Ifop, 2021
L’association exige par ailleurs que les infractions constatées soient sanctionnées et que les abattoirs soient contraints d’y mettre un terme sans délai. De son côté, la Fondation 30 Millions d’Amis a toujours œuvré pour la généralisation de l’abattage des animaux sur le lieu de leur élevage afin de leur éviter les souffrances liées à leur transport, comme le souhaitent plus de 8 Français sur 10, ainsi que l’interdiction de l’abattage sans étourdissement – sans dérogation possible –, à laquelle 84 % de nos concitoyens sont favorables (Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis /Ifop, 2021).
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