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François Hublet : « Plutôt que de s’attaquer à une hégémonie anglophone en Europe, la France pourrait défendre le multilinguisme »

Dans le métro de Barcelone. FREDERIC SOREAU / PHOTONONSTOP

Depuis l’adoption en avril par la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale d’une résolution appelant « à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne », la question linguistique est revenue une nouvelle fois au premier plan du débat politique français.

Portée par le député (Les Républicains) Julien Aubert, la résolution invite le gouvernement à « engager des négociations avec les membres du Conseil européen » pour réserver à la seule langue française le statut privilégié dont jouissent aujourd’hui l’anglais, l’allemand et le français. A la suite de ce vote en commission, des voix, nombreuses, se sont élevées en France pour dénoncer le caractère problématique voire « monstrueux » du statu quo [selon les propos du philosophe Michel Guérin dans une tribune au Monde parue le 9 octobre].

Affaiblissement de la diversité culturelle

Alors que seuls 1 % des citoyens européens [depuis le Brexit] ont aujourd’hui l’anglais pour langue maternelle, plus de 80 % des documents produits par la Commission européenne le sont dans un premier temps en langue anglaise. Ce déséquilibre bien réel interpelle et mérite qu’on s’en préoccupe. En 2005, l’économiste genevois François Grin soulignait déjà [dans son rapport sur « L’enseignement des langues comme politique publique »] que la domination de l’anglais en Europe créait des flux financiers et culturels fortement dissymétriques, tout en tendant à affaiblir la diversité culturelle. Avec le Brexit, ces flux profitent désormais majoritairement à des territoires extérieurs à l’Union, Royaume-Uni et Etats-Unis en tête.

Or, malgré l’ampleur du problème, il est tout à fait clair que la récente proposition française ne suscitera guère d’enthousiasme dans le reste de l’Europe. Ceux qui ne l’ignoreront pas tout à fait s’en moqueront ou s’en agaceront. L’initiative pourrait même, en définitive, avoir l’effet inverse de celui escompté.

Dans une Union européenne qui a toujours ostensiblement affiché son multilinguisme, l’emploi de l’anglais, à la fois lingua franca internationale et langue d’un Etat-membre majeur, revêtait, jusqu’au Brexit, un caractère ambigu. Depuis, paradoxalement, ce rôle s’est clarifié : langue de chacun et de personne, enseignée à l’immense majorité des jeunes Européens comme langue seconde, l’« Euro-English », malgré ses nombreux défauts, peut désormais prétendre à une certaine neutralité en interne, qualité essentielle dans un espace politique fondé sur la négociation et le consensus.

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