Le souverainisme de gauche a décidément une histoire tourmentée. Si plus personne, de ce côté-là de l’échiquier politique, ne propose de sortir de l’Union européenne (UE), fédéralistes et souverainistes continuent de s’opposer dans la précampagne pour la présidentielle de 2022, avant l’irruption, en janvier, d’une présidence française de l’UE qui devrait ramener au premier plan la question. Autant le parfum de « Frexit » qui, en 2017, flottait a disparu des débats, autant la pandémie a fait son entrée en scène : celle-ci sert désormais de justification à tous les pourfendeurs d’une Europe néolibérale, qui estiment que l’heure de la fin des traités et de leurs règles, du pacte de stabilité budgétaire au principe de libre concurrence, est de facto arrivée. Mais la fracture entre souverainistes et fédéralistes demeure et s’est dernièrement cristallisée autour de la question polonaise.
Arnaud Montebourg, le premier, s’est engouffré dans la brèche ouverte par la décision du Tribunal constitutionnel polonais déclarant incompatibles avec sa Constitution certains articles des traités. Depuis, il le répète : « L’Union européenne doit se retirer de la vie domestique des peuples et des nations, faire cesser ses intrusions permanentes et s’occuper de l’essentiel, nous protéger face au chaos du monde qui menace », disait-il encore cette semaine sur BFM-TV, proposant que le Parlement exerce « la souveraineté nationale en dernier ressort ». Fabien Roussel, candidat du Parti communiste français, n’est pas loin. Plaidant pour une Europe pensée comme une association d’Etats souverains, il juge « inadmissibles » les décisions de la Commission européenne dans le cas polonais : « La moindre des choses, c’est de respecter les Parlements nationaux », estime-t-il. Même s’ils se défendent d’appuyer un régime polonais jugé réactionnaire, les deux candidats ont fait le choix d’épouser la souveraineté nationale sans s’arrêter au fond du cas polonais, en l’occurrence une réforme accusée d’entraver l’indépendance de la justice.
« Le retour à une vieille gauche »
Jean-Luc Mélenchon, dont l’émergence est pourtant partie liée au non au référendum de 2005, a, pour sa part, préféré temporiser. Et son équipe de campagne de théoriser le fait que la désobéissance, en matière européenne, doit être « mieux-disante » et ne pas remettre en cause des droits fondamentaux. « Lutter pour la liberté n’exempte pas d’apprécier à quel sujet s’applique la liberté réclamée », résume le candidat sur son blog. La France insoumise (LFI) continue, par ailleurs, de démêler son rapport à l’Europe, dans un équilibre complexe – « ni “frexiter” ni “eurobéat” » – dont les modalités sont débattues en interne. L’option plan A (renégociation des traités) sinon plan B (sortie des traités) est toujours d’actualité, insiste Eric Coquerel, l’un de ses créateurs, mais l’option B est devenue la succession d’« un certain nombre de mesures d’opt-out [de désengagement] », avec l’espoir d’entraîner d’autres pays. Les deux pages européennes du programme ont été réécrites, et une stratégie de vingt pages, pilotée notamment par l’eurodéputée Manon Aubry, décrira d’ici à janvier comment mettre en œuvre un « protectionnisme solidaire », avec l’idée d’un « principe de non-régression sociale et écologique » invalidant les règles européennes moins ambitieuses que les lois nationales.
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