Les géants pétroliers se sont retrouvés sur la sellette jeudi à Washington face à des parlementaires démocrates les accusant d’avoir longtemps cherché à cacher les effets de leurs activités sur le climat et s’interrogeant sur la sincérité de leurs efforts pour réduire les émissions.
« Certains d’entre nous vont devoir vivre dans le monde auquel vous êtes en train de mettre le feu », a ainsi asséné la populaire élue de New York, Alexandria Ocasio-Cortez. « On n’a pas le privilège ou le luxe de s’en tenir à la com’ des lobbyistes. »
Les patrons d’ExxonMobil et de Chevron ainsi que les représentants aux Etats-Unis de Shell et de BP ont, pendant six heures, défendu leurs positions.
Les déclarations publiques de leurs dirigeants ont évolué au fur et à mesure des avancées scientifiques sur le sujet, ont-ils asséné. Et ils ont accéléré ces dernières années les investissements dans les énergies alternatives.
Mais ils n’ont pas non plus voulu s’engager à couper les ponts avec la puissante fédération du secteur API, qui s’active pour contrer certaines mesures environnementales. Ou, dans le cas d’ExxonMobil et Chevron, à réduire leur production de pétrole et gaz.
« ExxonMobil reconnaît depuis longtemps que le changement climatique est réel et pose de sérieux risques, mais il n’y a pas de réponse facile », a déclaré Darren Woods, le patron d’ExxonMobil.
« La réalité indéniable est que le pétrole et le gaz restent nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques », a avancé de son côté Michael Wirth, à la tête de Chevron.
Michael Wirth, patron de Chevron, lors d’une conférence à Beverly Hills, en Californie, le 18 octobre 2021 (AFP – Patrick T. FALLON)
Ces réponses n’ont pas semblé satisfaire les représentants démocrates, qui ont comparé cette audition à celle de grands patrons de l’industrie du tabac dans les années 1990 qui à l’époque avaient refusé de reconnaître que la nicotine était addictive.
Certes les géants pétroliers reconnaissent « enfin » la réalité du changement climatique et l’urgence à agir, a souligné la présidente de la commission à l’origine de l’audition, Carolyn Maloney.
Mais il est « décevant » que les dirigeants « refusent de prendre la responsabilité d’une campagne de désinformation (…) qui a duré des décennies » et « refusent d’arrêter de financer » des groupes comme l’API, a-t-elle ajouté. Elle a émis des injonctions pour forcer les majors pétrolières à communiquer certains documents.
Les élus républicains ont de leur côté surtout attaqué les mesures prises par le président américain Joe Biden en faveur de l’environnement, comme l’abandon du projet d’oléoduc Keystone XL, les liant à la récente montée des prix de l’énergie ou les accusant de détruire des emplois.
– Lobbying –
Selon un mémo préparé pour l’occasion par les démocrates, les groupes pétroliers ne dépensent qu’une fraction de leur lobbying sur le changement climatique, alors même qu’ils affirment officiellement en avoir fait une priorité.
Ils semblent surtout faire ces déclarations « pour renforcer leur image publique tout en continuant à produire des milliards de barils de combustibles fossiles et investir dans de nouvelles extractions de pétrole et de gaz », avance le rapport.
L’audition a en partie été organisée suite à la diffusion par l’ONG Greenpeace en juin d’une vidéo montrant un responsable d’ExxonMobil affirmant qu’il était facile pour l’entreprise de soutenir publiquement une taxe carbone dans la mesure où elle avait peu de chance d’être vraiment adoptée.
L’élue américaine Carolyn Maloney, au Congrès américain, le 7 octobre 2021 (POOL/AFP – Bill Clark)
Selon le rapport, moins de 0,4% des interventions officielles des lobbyistes pétroliers aux Etats-Unis au cours des dix dernières années étaient liées à la tarification du carbone. Plus de la moitié était destinée à réduire leurs impôts.
Le document estime aussi que les entreprises ont tendance à exagérer leurs efforts destinés à réduire leurs émissions.
Face à la pression croissante d’une opinion publique et d’investisseurs demandant des actions plus franches, les majors ont de fait renforcé leurs investissements dans les énergies moins polluantes, en Europe d’abord puis aux États-Unis.
Mais les investissements proposés en septembre par Chevron représentent par exemple moins de 10% des dépenses que le groupe prévoit d’effectuer chaque année pour se développer.
Durant l’audition, l’élu démocrate Ro Khanna a pointé du doigt les efforts déployés par la fédération API pour contrer certaines mesures environnementales comme une taxe sur les émissions de méthane ou les aides aux véhicules électriques.
Il a appelé les responsables présents à dénoncer ces actions ou à quitter l’organisation, comme le groupe français Total l’a fait en janvier. Aucun ne s’y est engagé.
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