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Licences de pêche post-Brexit : premières mesures de rétorsion françaises contre le Royaume-Uni

Un pêcheur français répare un filet de pêche dans le port de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 15 octobre 2021. La France souhaite obtenir davantage de licences de pêche de la part de Londres, mais le Royaume-Uni se montre réticent. CHRISTOPHE ENA / AP

Après avoir longtemps menacé le Royaume-Uni de mesures de rétorsion, la France avance son calendrier. « Interdiction de débarquement », « contrôles douaniers » accrus : Paris a annoncé l’entrée en vigueur, mardi 2 novembre, d’une première salve de mesures contre Londres et les îles Anglo-Normandes si le nombre de licences accordées aux pêcheurs français restait insuffisant.

A l’issue du conseil des ministres, mercredi 27 octobre, après un dernier round de discussions tous azimuts, la décision est tombée : si aucun progrès n’est fait d’ici au début de novembre, Paris a décidé de « l’interdiction de débarquement de produits de la mer » britanniques en France et de la mise en place de « contrôles douaniers et sanitaires systématiques sur les produits britanniques débarqués ».

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a aussi évoqué une riposte graduelle, avec une possible « deuxième série de mesures », « notamment des mesures énergétiques qui ont trait à la fourniture d’électricité pour les îles Anglo-Normandes ».

Des mesures « disproportionnées »

« Les menaces de la France sont décevantes et disproportionnées, et ne correspondent pas à ce qu’on pourrait attendre d’un allié et partenaire proche », a déclaré un porte-parole du gouvernement britannique, cité dans un tweet du secrétaire d’Etat chargé des relations avec l’Union européenne (UE), David Frost, qui a, lui, dénoncé l’absence de « communication officielle du gouvernement français à ce sujet ».

Réagissant aux menaces françaises, le porte-parole de Boris Johnson, le premier ministre britannique, a rétorqué qu’il n’y avait eu « aucun contact formel » avec le gouvernement français sur ce point. « Il est important de souligner que 98 % des licences de pêche ont été accordées. Nous continuons à travailler avec le gouvernement français pour en accorder davantage sur la base des preuves qu’il fournit », a-t-il ajouté, citant un chiffre qui diffère grandement de celui brandi par les Français.

Dans la soirée, un communiqué conjoint du secrétariat aux affaires européennes et du ministère de la mer français est venu préciser les mesures prises : « interdiction de débarquement des navires de pêche britanniques dans les ports désignés », c’est-à-dire les six ports français où la débarque s’effectue actuellement, ainsi qu’un « renforcement des contrôles » sanitaires, douaniers et de sécurité des navires britanniques. Enfin, une mesure va plus loin, annonçant un zèle particulier dans les « contrôles des camions à destination et en provenance du Royaume-Uni », quelle que soit leur cargaison.

Le feu couvait depuis des semaines : parmi les sujets de friction depuis le Brexit entre Paris et Londres, celui de la pêche reste explosif, bien que ne concernant qu’un nombre relativement réduit d’acteurs. Quelque 80 % des produits de la mer britanniques sont destinés à l’exportation, avec la France comme premier pays destinataire au sein de l’UE. La France ne « laissera pas la Grande-Bretagne s’essuyer les pieds sur l’accord Brexit », a insisté le porte-parole du gouvernement français.

Confiance rompue

L’accord post-Brexit, conclu in extremis à la fin de 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.

Dans les zones de pêche encore disputées (zone des 6-12 milles des côtes britanniques et îles Anglo-Normandes), Londres et Jersey ont accordé un peu plus de 210 licences définitives, alors que Paris en réclame encore 244. « Il manque quasiment 50 % des licences auxquelles nous avons droit », a affirmé M. Attal.

La décision française s’inscrit « dans une démarche européenne », a précisé le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, Clément Beaune. « Nous avons saisi en même temps la Commission européenne pour avoir une réunion de premier étage de règlement des litiges. »

« Aucun autre sujet de coopération européenne avec le Royaume-Uni ne pourra progresser sans rétablir la confiance et appliquer pleinement les accords signés », précise le communiqué gouvernemental.

La ministre de la mer, Annick Girardin, avait prévenu qu’elle voulait une solution globale d’ici au 1er novembre, puisque l’île de Jersey a donné un délai d’un mois (jusqu’au 30 octobre) à 75 bateaux français pour fournir de nouveaux éléments et rouvrir leur dossier. Ces navires-là étant pour l’instant sur liste rouge, ils ne pourront plus frayer dans les eaux de Jersey à compter de lundi.

La situation est aussi très tendue dans la région de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), où des dizaines de pêcheurs n’ont pu accéder aux eaux britanniques depuis des mois. Stéphane Pinto est dans ce cas : « Depuis avril, on est à plus de 50 % de pertes d’exploitation », dit-il, estimant qu’il y a longtemps que l’Etat et l’UE « auraient dû réagir ». Côté normand, le président du comité régional des pêches, Dimitri Rogoff, est satisfait de voir le sujet « en haut de la pile » et prévient que les pêcheurs vont « durcir le ton localement ».

Le Monde avec AFP

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