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Pollution contre emploi: au Guatemala, une mine de nickel met une ville en état de siège

« Cette entreprise nous apporte la mort à petit feu »: pour le chef indigène Cristobal Pop, la mine de nickel d’El Estor, dans l’est du Guatemala, pollue le lac où sa communauté pêche pour se nourrir – ce que dément la compagnie qui l’exploite.

La situation à El Estor est explosive: depuis dimanche, l’agglomération de 100.000 habitants a été placée en état de siège, avec le déploiement dans les rues d’un millier de militaires et de policiers.

La veille, une manifestation contre la Compagnie guatémaltèque de nickel (CGN), filiale de la société suisse Solway Investment Group, avait été dispersée violemment par les forces de l’ordre. Les manifestants bloquaient depuis près de trois semaines l’accès des camions à la mine.

Quatre policiers ont été blessés par balles. Dans la foulée, le gouvernement du président Alejandro Giammattei a suspendu pour un mois le droit de manifester dans la zone, un couvre-feu est en vigueur et les forces de l’ordre patrouillent dans les rues.

Les manifestants ont dénoncé une mesure d’intimidation et la criminalisation de leur lutte. Cristobal, lui, est inquiet mais se veut déterminé.

Le chef indigène Cristobal Pop lors d’une interview avec l’AFP à El Estor, le 24 octobre 2021 au Guatemala (AFP – Johan ORDONEZ)

« J’ai quatre enfants et il vont subir les conséquences » de l’exploitation minière, explique à l’AFP ce pêcheur artisanal de 44 ans, membre de la communauté des maya-q’eqchi’.

Il assure que lorsqu’il était adolescent, les poissons étaient abondants dans le lac de Izabal, sur la rive duquel se dresse El Estor.

Et affirme que leur nombre a diminué depuis l’entrée en activité de la mine en 2014, pointant du doigt une installation située sur les rives du lac, qui mettrait en péril les sources d’eau souterraines.

– « Spéculations » –

Le pêcheur rappelle qu’en 2017 une large nappe rouge était apparue sur la surface du lac.

Lui et ses collègues avaient mis en cause la mine et organisé des manifestations.

La mine de nickel à El Estor, le 25 octobre 2021 au Guatemala (AFP – CARLOS ALONZO)

Un pêcheur avait été tué par balles, dans des circonstances troubles, et lui-même avait été emprisonné.

Lors de la récente mobilisation, les habitants de la zone ont accusé CGN de poursuivre son activité alors que la Cour suprême a ordonné en 2020 sa suspension.

La plus haute juridiction du pays a donné raison aux habitants indigènes qui dénonçaient l’absence de consultation préalable avec la population avant l’obtention de la concession.

Comme souvent dans ce genre de situation, d’autres habitants accueillent la mine à bras ouverts car elle fournit des emplois.

L’entreprise, qui revendique près de 2.000 employés, « ne fait pas de mal à la commune, elle permet de la développer », estime ainsi Abelardo Xol, un professeur.

Dmitry Kudryakov, le directeur de la mine de nickel d’El Estor, lors d’une interview avec l’AFP, le 25 octobre 2021 au Guatemala (AFP – Carlos ALONZO)

Abelino Chub, un autre dirigeant communautaire, constate que les « gens sont divisés » sur la question. « Malheureusement le groupe en faveur de la mine ne voit que l’argent (…), mais pas les dégâts que provoque cette entreprise », estime-t-il.

Au siège de la mine, à 6 km de là, son directeur, Dmitry Kudryakov, rejette les accusations de pollution qu’il qualifie de « spéculations » d’un « petit groupe » d’opposants qui ne représente pas, selon lui, les habitants d’El Estor.

L’entrepreneur russe assure à l’AFP que la société respecte les règles internationales en matière de protection de l’environnement.

Selon lui, la nappe rouge de 2017 a résulté de la présence de « bactéries » liées à une pollution du fleuve Polochic, en amont.

La mine de nickel à El Estor, le 25 octobre 2021 au Guatemala (AFP – CARLOS ALONZO)

M. Kudryakov affirme que la décision de justice ordonnant l’arrêt de l’activité minière ne concerne qu’un permis d’extraction de matériaux situé à flanc de montagne et que cette activité a été interrompue en février.

Ce que confirme le gouvernement: « l’usine de traitement et les autres droits miniers (…) ne sont pas liés à la décision » de la Cour suprême. « Actuellement, son fonctionnement est en vigueur et est considéré comme conforme à la loi », a-t-il fait savoir dimanche dans un communiqué.

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