LETTRE DE BEYROUTH
Le siège endommagé de la compagnie d’électricité libanaise (EDL), lors d’une panne d’électricité massive, à Beyrouth, en avril 2021. DYLAN COLLINS / AFP
Une dizaine de rangées de panneaux solaires sont alignées sur le toit de l’école des filles de la charité, dans le quartier d’Achrafieh, à Beyrouth. Bientôt fonctionnel, le dispositif devrait générer 80 kWp (« kilowatt peak ») pour cette école qui accueille 1 100 élèves de la primaire à la terminale. « Chaque mois, il faut que je trouve six tonnes de mazout, ça coûte en moyenne 60 millions de livres [3 000 dollars au prix de la livre libanaise sur le marché noir]. Avec le solaire, on va économiser de 10 000 à 20 000 litres de fioul par an. On pourra répercuter ces économies sur les frais de scolarité et aider plus de familles », estime la directrice, la sœur Nada Abou Fadel, qui a dû batailler pour organiser la rentrée scolaire, mi-octobre.
Le réseau public d’Electricité du Liban (EDL) ne fournit plus, au mieux, que quelques heures d’électricité par jour. A Beyrouth comme dans le reste du pays, particuliers et entreprises sont devenus totalement dépendants des groupes électrogènes, alimentés en fioul. Mais après un été marqué par les pénuries, c’est désormais la levée progressive des subventions sur les produits énergétiques qui rend le fioul inabordable pour la plupart des Libanais, dont le pouvoir d’achat s’est effondré avec la dévaluation de la livre et l’hyperinflation. De nombreux foyers et commerces doivent composer sans électricité une bonne partie de la journée. Le solaire est une option que beaucoup envisagent désormais comme solution d’appoint aux groupes électrogènes, à condition d’avoir des devises étrangères pour s’offrir ces installations, dont tous les composants sont importés.
« C’est un gros investissement. Ça coûte en moyenne 1 000 dollars le kWp mais, avec l’augmentation du prix du mazout, c’est désormais rentabilisé en un à deux ans, contre trois à sept ans auparavant, et ça diminue l’empreinte carbone du Liban, qui dépend totalement des énergies fossiles », explique Clément Couëtil, un volontaire de l’ONG française Electriciens sans frontières (ESF), qui a piloté l’installation de panneaux solaires dans six écoles de Beyrouth, dont l’école des filles de la charité. Avec l’aide d’ONG comme ESF et des agences des Nations unies, de nombreuses institutions, notamment des écoles et des hôpitaux, se dotent de systèmes photovoltaïques.
« Il y a plein de problèmes »
Depuis l’été, la demande a aussi explosé sur le marché domestique. « On est submergés depuis juin ! Avec les pénuries et la levée des subventions sur le mazout, le problème pour les gens n’est plus seulement de faire des économies, mais de produire de l’électricité. Un énorme marché domestique s’est créé pour des installations de 3 à 5 kWp, et il y a une explosion des sociétés qui se sont mises sur le marché », confirme Jean-Paul Sfeir, le PDG de Solarnet, une PME qui travaille dans le solaire depuis 2009 et le photovoltaïque depuis 2019. Son carnet de commandes est déjà rempli pour un an avec les projets pilotés par les ONG et les Nations unies. L’entreprise cherche à combler son retard sur le marché domestique, où les foyers veulent s’équiper à bas prix. « Un système européen coûte environ 7 000 dollars, contre 4 000 dollars pour un chinois. On doit s’aligner, on a commandé des produits chinois et taïwanais, mais on ne les aura pas avant janvier [2022] », poursuit le chef d’entreprise.
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