Nous partageons un constat : les agriculteurs sont soumis à des distorsions de concurrence vis-à-vis des importations de nos partenaires commerciaux qui limitent la transition de l’agriculture européenne vers plus de durabilité ; les produits agricoles que nous consommons en Europe ne respectent pas toujours les mêmes règles selon qu’ils sont produits au sein du marché européen ou importés.
Certaines méthodes de production (utilisation de farines animales, recours à des antibiotiques comme activateurs de croissance) strictement interdites dans l’élevage européen doivent par conséquent faire l’objet de mesures strictes de réciprocité et de contrôles des produits importés, tels que le bœuf, qui nous vient du Brésil ou du Canada, par exemple. De même, les tomates, les lentilles, les oranges ou les poireaux importés, ne devraient en aucun cas être traités avec des pesticides interdits dans l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé ou l’environnement.
Deux poids deux mesures
Sans la mise en place de telles mesures miroirs, du point de vue des agriculteurs, la situation est absurde. Alors même qu’ils peinent trop souvent à dégager un revenu décent, faute de prix suffisamment rémunérateurs, ils ne peuvent se trouver dans le même temps, exposés à une concurrence déloyale avec des produits importés moins-disants sur le plan sanitaire, environnemental et en matière de bien-être animal. Alors même que nous devons privilégier un modèle d’élevage familial et herbager – sans commune mesure avec certaines fermes usines américaines de plusieurs milliers de bovins engraissés de manière industrielle –, l’Europe se doit d’apporter aux paysans cette protection essentielle. Du point de vue du consommateur européen, l’absence de mesures de réciprocité efficaces apparaît ubuesque alimentant des sentiments d’incompréhension ; le risque étant également que son choix se porte vers des produits loin de nos standards.
« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les impacts sur la santé, le climat et la biodiversité générés par notre alimentation au-delà de nos frontières »
Ce système de deux poids deux mesures menace directement l’atteinte des objectifs environnementaux et climatiques définis dans le Green Deal [le Pacte vert, soit l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050], et la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette ». Disons-le clairement : maintenir un tel système c’est limiter la transition vers une agriculture européenne plus durable. Comment convaincre les agriculteurs européens de réduire l’utilisation des pesticides ou des antibiotiques d’ici à 2030, si les interdictions ne s’appliquent pas aussi de manière intégrale aux produits d’origine étrangère importés en Europe ? Comment convaincre même les consommateurs de privilégier des produits européens issus d’une agriculture plus durable face à des produits importés à un prix moindre mais au coût environnemental plus élevé ?
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