Après la surabondance des années 2010, voici le temps des pénuries. L’explosion de la demande dans le monde est telle que l’offre a du mal à suivre. La cause immédiate, c’est le Covid-19: les quelque 10.400 milliards de dollars de mesures de soutien ont provoqué un rebond de la consommation qui met à mal les chaînes d’approvisionnement. Mais l’économie de pénurie résulte aussi de deux forces plus profondes. La première est la décarbonation. L’abandon du charbon au profit des renouvelables a rendu l’Europe vulnérable dans l’approvisionnement en gaz naturel. Témoins, les pointes de 60% d’augmentation du prix du gaz ces dernières semaines. Alors qu’en Chine, des régions entières connaissent des coupures de courant.
La seconde force est le protectionnisme. Désormais, la politique commerciale n’est plus menée dans un souci d’efficacité économique, mais selon une série d’objectifs. On peut ainsi chercher à imposer aux pays étrangers des normes sur l’environnement ou les conditions de travail, ou punir des adversaires géopolitiques. Le nationalisme économique contribue à l’économie de pénurie. Le manque de chauffeurs routiers en Grande-Bretagne a été exacerbé par le Brexit. L’Inde manque de charbon à la suite d’une tentative malvenue de stopper ses importations de carburant. Et les flux d’investissement transfrontaliers des entreprises ont diminué de plus de moitié
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Attrait du protectionnisme
La situation devrait en partie s’améliorer avec la fin de la pandémie, mais les forces profondes de cette économie de pénurie ne disparaîtront pas de sitôt. La hausse du prix des carburants et de l’électricité pourrait inciter les gouvernements à assouplir les objectifs d’émissions et à revenir à des sources d’énergie polluantes. Ils devront donc repenser leur politique environnementale face à l’envolée des prix de l’énergie et au ralentissement de la croissance.
L’économie de pénurie pourrait aussi renforcer l’attrait du protectionnisme et de l’intervention étatique. Beaucoup d’électeurs accusent leur gouvernement d’être responsable des rayonnages vides et des crises énergétiques. Les politiciens peuvent fuir leurs responsabilités en mettant en cause l’inconstance des fournisseurs étrangers et la fragilité des chaînes d’approvisionnement, ou en agitant la promesse d’une autonomie nationale. Le gouvernement britannique tente d’expliquer que les pénuries de main-d’œuvre sont une bonne chose parce qu’elles conduiront à une hausse des salaires et de la productivité. Mais dresser des obstacles aux migrations et aux échanges fera baisser l’une et les autres. Les perturbations conduisent souvent les gens à remettre en cause les orthodoxies économiques. Le traumatisme des crises énergétiques des années 1970 a suscité un rejet salutaire de l’Etat obèse et du keynésianisme grossier. Aujourd’hui, le risque est que les tensions sur l’économie provoquent un rejet de la décarbonation et de la mondialisation.
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