A 81 ans, Hartmut Bretz enfourche encore parfois son vélo pour venir se promener au bord de l’Oder. Quand il fait beau, il lui arrive aussi de se poser une petite heure pour lire le quotidien local. C’est le cas, mercredi 20 octobre. Assis face au fleuve qui sépare l’Allemagne et la Pologne, le vieil homme feuillette le Märkische Oderzeitung, dont la « une » a justement pour titre : « Le gouvernement discute des contrôles aux frontières ».
Sur cette question au cœur de l’actualité allemande depuis quelques jours, en raison du nombre croissant de migrants venus du Moyen-Orient via la Biélorussie et la Pologne, l’ancien cheminot n’a pas d’avis tranché. « Il paraît qu’ils arrivent maintenant la nuit en traversant le fleuve sur des petits bateaux. Ça n’est pas acceptable », dit-il, avant de marquer un temps d’arrêt, songeur. « En même temps, qu’est-ce qu’il faudrait faire avec ces pauvres gens ? On ne va pas non plus les laisser crever, si ? D’ailleurs, combien sont-ils exactement ? »
Pour tenter d’y voir un peu clair, alors que des chiffres contradictoires circulent sur les réseaux sociaux, il faut aller à cinq kilomètres de là, dans l’ancienne caserne d’Eisenhüttenstadt, bâtie à l’époque de la RDA et transformée en centre de premier accueil pour migrants.
Dans le centre d’Eisenhüttenstadt, près de la frontière polonaise, le 6 octobre 2021. PATRICK PLEUL / AP Dans le centre d’Eisenhüttenstadt, le 14 octobre 2021. HANNIBAL HANSCHKE / REUTERS
Là, Olaf Jansen, le directeur, a des réponses précises. « Depuis quelques semaines, le nombre d’arrivées a fortement augmenté. Environ 150 personnes par jour arrivent ici. Pour le mois d’octobre, on devrait être à environ 3 000. Cela fait à peu près dix fois plus qu’il y a un an à la même époque », explique-t-il. La situation est-elle pour autant ingérable ? « Non, absolument pas, balaie-t-il d’un revers de main. Sur les quelque 4 000 places d’accueil que nous avons dans ce centre et dans les autres du Land de Brandebourg, environ 2 600 sont actuellement occupées. Ceux qui disent que nous sommes submergés ne savent pas de quoi ils parlent. La situation n’a rien à voir avec ce qu’elle était en 2015, au moment de la grande crise des réfugiés. On ne peut absolument pas comparer. »
Structuration des filières d’immigration
M. Jansen reconnaît toutefois que, depuis quelques semaines, « il se passe des choses sérieuses qu’on doit regarder en face ». La première, dit-il, est « l’évolution des profils qui arrivent » : « Il y a encore un mois ou deux, c’étaient essentiellement des Irakiens. Aujourd’hui, ils sont encore les plus nombreux, mais il y a aussi davantage d’Iraniens, de Syriens et de Yéménites. » 90 % d’entre eux sont passés par la Biélorussie. Et puis, surtout, « ce ne sont plus seulement des hommes que nous voyons arriver mais aussi des femmes et des enfants ». Le signe, selon lui, que les « filières se structurent et, en quelque sorte, se “professionnalisent” ».
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