Les apparitions du juge Tarek Bitar se résument à une photo, un portrait sobre où point un léger sourire, épinglée sur les affiches de ses partisans comme de ses détracteurs au Liban. Sa discrétion est notoire parmi ses pairs qui saluent l’indépendance, l’intégrité et l’acharnement au travail de ce magistrat de 47 ans au parcours exemplaire. Pourtant, depuis qu’il a été chargé d’instruire l’enquête sur l’explosion meurtrière survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020, Tarek Bitar déchaîne les passions. Symbole d’une justice indépendante et de la lutte contre une classe politique honnie pour les uns, il est l’homme à abattre pour les responsables politiques qui refusent d’être mis face à leurs responsabilités dans cette affaire emblématique.
« Cette personnification pose problème. La parole du droit n’est plus audible, lui-même est devenu un symbole de polarisation. On n’est pas dans une justice apaisée », commente une source judiciaire, qui dénonce une « politisation intentionnelle du dossier » par les dirigeants mis en cause et leurs camps politiques respectifs. Ce juge, sur lequel aucune allégeance partisane ni communautaire ne semble avoir prise, dérange. La virulence des attaques portées contre lui en témoigne. Les familles des victimes et la société civile placent, elles, leurs derniers espoirs dans le magistrat, qui montre une détermination sans faille à mener l’enquête à son terme et à mettre fin au régime d’impunité dont ont bénéficié les caciques au pouvoir depuis plus de trente ans.
Lorsqu’il a repris l’enquête en février 2021, Tarek Bitar se savait en terrain miné. Son prédécesseur, le juge Fadi Sawan, venait d’être dessaisi du dossier par la Cour de cassation à la suite d’une plainte en suspicion légitime quant à son impartialité déposée par des responsables inculpés. Comme en août 2020, quand son nom avait été proposé une première fois par la ministre de la justice d’alors, Marie-Claude Najm, le magistrat a accepté avec une certaine réserve. « Si vous avez quelqu’un d’autre pour prendre le dossier, allez-y, sinon je serai disposé à le faire », aurait-il dit en substance. Cette fois, le Conseil supérieur de la magistrature a donné son aval, comme le veut la procédure de nomination à la Cour de justice, un tribunal d’exception.
Au cœur de la tempête
Ce magistrat chrétien originaire du Akkar, dans le nord du Liban, disposait déjà d’une solide expérience. Après une brillante carrière de juge puis d’avocat général près de la cour d’appel du Liban-Nord, il avait été nommé à la tête de la Cour criminelle de Beyrouth en 2017. « Il est méticuleux, montre une totale impartialité et un respect pour les droits de la défense », se félicite un confrère qui souhaite conserver l’anonymat. C’est quelqu’un de discret, trop discret même. Il n’a aucune relation avec des hommes politiques ou religieux. »
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