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En Ouganda, Cleopatra Kambugu devient la première femme transgenre reconnue par l’Etat

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Cleopatra Kambugu dans le documentaire « The Pearl o Africa », de Jonny von Wallström. DR

Cleopatra Kambugu est désormais une citoyenne à part entière. A 35 ans, elle a enfin été reconnue en tant que femme sur des documents officiels. Une première pour une transgenre en Ouganda. Et « l’accomplissement d’un long voyage de transition engagé il y a plus de dix ans », se réjouit la militante.

Dans un pays très conservateur sur les questions de mœurs, l’histoire de Cleopatra Kambugu détonne. « Depuis quelques jours, je reçois de nombreux appels de personnes qui veulent suivre son chemin et entamer eux aussi les procédures pour obtenir leurs papiers », observe Frank Mugisha, le directeur de Sexual Minorities Uganda (SMUG), une ONG de défense des droits des minorités sexuelles, qui espère que cette première victoire permettra d’engager une nouvelle discussion avec les autorités. « Depuis le début de l’année, détaille-t-il, nous avons enregistré six arrestations de transgenres pour usurpation d’identité, parce que leur style vestimentaire ne correspondait pas à leur genre officiel. »

Sans papiers reconnaissant leur transition, l’accès à de nombreux services est souvent refusé aux transgenres ougandais. « Voyager, voter, ouvrir un compte en banque… Toutes les procédures qui demandent une vérification d’identité deviennent compliquées », regrette Frank Mugisha. Sans compter les mille et une vexations du quotidien qui visent les personnes associées à la communauté LGBT.

Une liste de 200 homosexuels

Parce qu’elle a grandi dans un quartier privilégié de Kampala, Cleopatra Kambugu estime avoir été relativement épargnée par la transphobie. « Dans les écoles privées, les violences et remarques étaient limitées, se souvient-elle. Mais je ne pouvais jamais voir une seule personne autour de moi qui me ressemblait. » A la fin de sa scolarité, elle s’engage rapidement dans des mouvements militants transgenres, tout en menant des études de biologie et un travail de recherche sur l’insécurité alimentaire.

Mais les discriminations contre la communauté LGBT s’accentuent en Ouganda en 2013, lorsque la proposition de loi dite « anti-homosexualité » est discutée au Parlement. Le texte criminalise les rapports homosexuels, les condamnant à la peine de mort dans une première version, avant d’être révisé en peine de prison à perpétuité. Au lendemain de l’adoption officielle de la loi, le tabloïd Red Pepper publie une liste dévoilant les noms de 200 homosexuels ougandais. Parmi eux, Cleopatra Kambugu.

« Je n’ai jamais vraiment caché ma transidentité, mais c’était désormais dans tous les journaux. Je ne pouvais pas retourner à l’université ou au travail et j’avais peur de mettre ma famille en danger », se souvient la militante, qui décide d’accepter un travail à Nairobi pour une fondation de défense des minorités sexuelles en Afrique de l’Est. « Nous avons financé des avocats ougandais qui militaient contre la loi anti-homosexualité et, en août 2014, la Cour constitutionnelle a finalement rejeté le texte », se félicite-t-elle.

« Mon histoire n’est pas celle d’une victime »

Encouragée par cette décision, Cleopatra Kambugu accepte d’être filmée pour ce qui deviendra le documentaire The Pearl of Africa, réalisé par Jonny von Wallström. La militante y dévoile sa relation avec son partenaire et les conditions de son opération en Thaïlande. « Les récits sur les transgenres sont souvent incomplets et victimisants, explique-t-elle. Et ce n’est pas de cette façon que je me vois. Mon histoire n’est pas celle d’une victime, bien au contraire. » Ce n’est qu’en 2018 qu’elle décide de revenir à Kampala pour se rapprocher de sa famille, tout en continuant de travailler pour la fondation basée à Nairobi.

Les associations de défense de la communauté LGBT ont largement salué la reconnaissance officielle de la féminité de Cleopatra Kambugu, après les tensions liées au texte sur les offenses sexuelles adopté par le Parlement en mai. La proposition de loi, que le président Yoweri Museveni a pour l’instant refusé de signer, criminalise de nouveau les rapports entre personnes de même sexe et prévoit de créer un fichier de délinquants sexuels dans lequel seraient inclus les condamnés pour homosexualité.

« Avec cette première avancée, j’espère que nous pourrons désormais inscrire dans la loi le droit à la transition », se prend à rêver Franck Mugisha, soulignant la nécessité d’engager une nouvelle discussion avec les autorités. Mais le combat est encore loin d’être gagné. « Tant que l’obtention d’une simple carte d’identité fera l’actualité, il y aura encore un long chemin à parcourir », estime Cleopatra Kambugu.

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