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« Ils font vivre le journalisme indépendant en Russie ! » : à leurs risques et périls

Livre. Etre journaliste indépendant, en Russie, c’est s’exposer aux menaces, au harcèlement, aux perquisitions et aux intimidations au quotidien. C’est aussi risquer sa vie lorsqu’une enquête déplaît trop au Kremlin en mettant à mal sa propagande. Le journal Novaïa Gazeta – dont le rédacteur en chef, Dmitri Mouratov, a reçu, le 8 novembre, le prix Nobel de la paix avec sa consœur philippine Maria Ressa – le sait mieux que personne : six de ses collaborateurs ont déjà été assassinés. La plus célèbre d’entre eux, Anna Politkovskaïa, a été abattue le 7 octobre 2006 dans l’ascenseur de son immeuble à Moscou.

Quinze ans ont passé depuis ce crime, resté impuni et désormais prescrit. Entre-temps, la répression n’a cessé de croître ; elle culmine en 2021 à un niveau inédit depuis la fin de l’Union soviétique. La Russie occupe désormais la 150e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse, selon Reporters sans frontières.

Marginalisé, le journalisme indépendant survit malgré tout. L’ouvrage Ils font vivre le journalisme indépendant en Russie ! permet d’avoir un aperçu de sa richesse et sa diversité en brossant le portrait de quinze professionnels, pas forcément connus mais qui incarnent ce combat pour la liberté de la presse. On y croise Roman Anine, fondateur d’iStories, qui enquête sur les décharges à ciel ouvert empoisonnant la vie de nombreuses villes russes, ou l’achat de respirateurs défectueux à des sociétés-écrans au début de l’épidémie de Covid-19. Elena Milachina, elle, a été menacée de mort pour avoir révélé les persécutions des personnes LGBTQ en Tchétchénie pour Novaïa Gazeta. « Dans notre pays, les journalistes ne peuvent se protéger que d’une seule manière : en montrant que si vous en tuez un, il en viendra toujours un autre », assure la journaliste.

Sombre avenir

Macha Borzounova, 27 ans, officie quant à elle à Dojd, la seule chaîne de télévision indépendante russe. Elle raconte les violences policières, les avocats commis d’office qui travaillent pour l’accusation, et démonte avec humour les fake news du gouvernement. Sa chaîne a elle aussi été rattrapée par le pouvoir : en août, elle a été déclarée « agent de l’étranger », un titre infamant qui oblige les rédactions à estampiller chacune de leur publication avec cette mention en gros caractères et à soumettre des rapports réguliers sur leurs finances, jusqu’au moindre rouble.

Lire le parcours de ces quinze journalistes, c’est aussi traverser plus de trente ans d’histoire russe, depuis les espoirs nés avec la perestroïka jusqu’à la guerre en Ukraine, qui fut un tournant pour de nombreux médias, muselés du jour au lendemain. Face à l’ampleur de la répression, l’avenir leur semble sombre. « Je pense que le journalisme indépendant en Russie n’en a plus pour longtemps », confie Roman Anine. Raison de plus, insistent-ils, pour aller vite et poursuivre leur travail.

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