La suppression de l’ISF et l’instauration de la « flat tax » sur les revenus du capital n’ont pas encore entraîné d’effets positifs mesurables sur l’économie, selon un rapport publié par France Stratégie ce jeudi. Des conclusions qui remettent en question l’efficacité de la théorie du « ruissellement » défendue au début de son quinquennat par Emmanuel Macron.
Selon cette idée – et c’était l’objectif de la réforme de la fiscalité du capital instaurée en 2018 -, la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (PFU ou « flat tax ») devaient permettre de réduire l’impôt payé par les contribuables les plus aisés et, par ricochet, les pousser à investir davantage dans l’économie.
Pour l’heure, le comité d’évaluation mis en place pour étudier les effets de cette réforme, sous l’égide de France Stratégie (l’organisme chargé de conseiller le gouvernement) ne conclut pas en ce sens.
Effet nul pour l’instant
Même s’il prévient que ses résultats ne sont que partiels, « à ce stade, aucun effet n’est identifié sur l’investissement, ni après 2013 (réforme de l’imposition des dividendes), ni après la réforme de 2018 », a indiqué Cédric Audenis, commissaire général adjoint à France Stratégie, lors d’une présentation du rapport à la presse.
Le comité reconnaît bien que les flux de placements financiers des ménages ont fortement augmenté, tout comme les flux de financement en action des entreprises. Mais « l’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. – avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes », ajoute-t-il.
« On manque encore de recul temporel pour évaluer ce type d’effet » qui « prennent du temps à se matérialiser », dans l’économique, nuance-t-on à Bercy, en rappelant que le rapport se base sur des données de 2018 et 2019.
Le ministère souligne que, faute de données disponibles à ce stade, le comité s’est concentré sur les entreprises dont les actionnaires ont bénéficié de la « flat tax », soit « un seul canal spécifique » pour mesurer l’impact de la réforme sur l’investissement.
Pour aller plus loin, le comité se propose d’étudier à l’avenir une nouvelle piste. Il s’agirait désormais d’étudier la manière dont les dividendes supplémentaires ont été réutilisés par ceux qui en ont bénéficié depuis l’adoption de la réforme. « Qu’ont fait ces foyers de cet argent ? Ont-ils réinvesti dans les entreprises du tissu productif français ? », s’interroge Cédric Audenis.
L’ISF en partie réhabilité ?
Car c’est l’un des effets tangibles de la réforme, constaté par France Stratégie : le retour des dividendes versés par les entreprises (+9 milliards d’euros environ) au niveau qui était le leur avant la réforme de 2013 et leur intégration dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Des versements qui avaient plongé sur la période allant de 2013 et 2017.
Cette augmentation des dividendes s’est par ailleurs révélée avantageuse pour les finances publiques, puisqu’elle a permis de ramener le coût de la réforme à environ 1,5 milliard d’euros, contre 5 milliards anticipés.
Le rapport confirme aussi que les départs à l’étranger de contribuables les plus fortunés se sont réduits et que les retours ont augmenté, même si cela concerne « de petits effectifs », soit quelques centaines de ménages, sur 130.000 assujettis à l’IFI.
Ce rapport, le troisième depuis 2018, tord également le cou à certaines critiques formulées à l’encontre de l’ISF, alors que certains à gauche réclament toujours son rétablissement. Selon ses détracteurs, il poussait les dirigeants d’entreprises, notamment des entreprises de taille intermédiaires (ETI), à se verser davantage de dividendes pour payer leur ISF.
Faux, constate le rapport. La réforme n’a pas entraîné de bouleversement des politiques de dividendes de ces entreprises. De même, l’ISF était accusé de geler la gouvernance des entreprises, notamment les transmissions. Mais « aucun effet de la suppression de l’ISF ne semble décelable sur la direction des entreprises (…), ni sur la circulation du capital », souligne le comité.
« Les premiers éléments apportés aujourd’hui vont dans le sens qu’il méritait un peu moins de critiques (…) mais il faut rester prudent », estime Fabrice Lenglart, président du comité, rappelant que l’ISF ne remplissait pas parfaitement ses objectifs, en particulier sur le niveau d’impôt payé par les plus riches des ménages.
(avec AFP)
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