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EnquêteUne loi, entrée en vigueur le 1er septembre, interdit l’interruption volontaire de grossesse au-delà de six semaines dans cet Etat du Sud des Etats-Unis qui se retrouve aux avant-postes de la bataille judiciaire, politique et culturelle entre la droite religieuse et les libéraux.
Le ventilateur tourne à vide. La salle d’attente est déserte. Les magazines people restent soigneusement alignés sur la table basse, sans empreintes de mains curieuses. « Kate et William, leur voyage secret en Amérique ! », annonce le premier. La télévision est allumée sur une chaîne texane locale. On y entend une femme volubile, coiffée d’un chapeau de cow-boy fuselé, parler de la « puissance de Dieu », sous l’œil grave et approbateur de trois acolytes. L’émission ne captive guère les deux infirmières derrière le guichet, qui s’ennuient ferme. Dans leur dos, des étagères entières de dossiers jaunes et surtout bleus, ceux des avortements pratiqués en ces lieux devenus peu fréquentables.
A Houston, la clinique du professeur Adebayo Adesomo se trouve dans un ensemble de bureaux anonymes. Agé de 73 ans, ce médecin chevronné et chaleureux présente la particularité d’assurer trois spécialités : l’avortement, les accouchements et la chirurgie esthétique. Le travail ne manque jamais. Un message luit sur son portable ; il est attendu à l’hôpital, un bébé va venir au monde. Arrivé du Nigeria à l’âge de 21 ans, Adebayo Adesomo fulmine contre les autorités texanes. « Cette bande de hooligans pensant être des politiciens veut imposer ses vues à toute la population. C’est de la folie. » L’essentiel de sa clientèle à la clinique a disparu depuis le 31 août, date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’avortement, signée par le gouverneur républicain Greg Abbott.
A l’entrée d’un centre médical pour femmes, où il est notamment rappelé que l’avortement est toujours légal au Texas, à Austin, le 21 septembre 2021 VERONICA G. CARDENAS « LE MONDE »
La loi en question interdit l’IVG (interruption volontaire de grossesse) à partir du moment où le battement du cœur du fœtus peut être enregistré, ce qui abaisse le terme maximal à six semaines. Soit un bannissement quasi général, dès lors que 85 % à 90 % des avortements concernent une grossesse parvenue au-delà de ce délai.
Un sujet de polarisation absolu à l’échelle nationale
Un vent de panique s’est donc levé à travers l’Etat. « Beaucoup de mineures m’appellent, elles ont 14 ou 15 ans. Leur vie sera ruinée si elles ont un enfant à cet âge. Elles pleurent, me supplient, mais je ne peux plus rien faire, si leur grossesse est avancée. La plupart des patientes partent dans l’Oklahoma ou le Colorado, où les cliniques sont débordées. »
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Le 6 octobre, un juge fédéral d’Austin a bloqué l’application de cette loi, avant qu’une cour d’appel ne la rétablisse, deux jours plus tard. Les médecins sont inquiets, et les femmes concernées livrées à une sorte de vertige, d’incertitude fragilisante, en attendant que les recours soient épuisés. D’autres Etats républicains sont prêts à reprendre à leur compte, mot à mot, la législation en cause, en cas de validation définitive. Ainsi, le Texas se retrouve aux avant-postes de la bataille judiciaire, politique et culturelle entre la droite religieuse et les libéraux. Les premiers nourrissent l’ambition depuis quarante ans de détruire le pilier du droit à l’avortement, la décision « Roe contre Wade » de la Cour suprême (1973). Jamais leur objectif n’a paru plus proche.
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