Publié le : 03/10/2021 – 00:22
Deux designer danois, passionnés de biologie synthétique, explorent la possibilité de stocker les données de l’internet dans l’ADN d’organismes vivants comme les végétaux. Leur projet, dénommé Grow Your Own Cloud, intéresse de nombreux scientifiques qui estiment que ce stockage dans les plantes est techniquement possible et permettrait de réduire l’empreinte carbone des centres de données de plus en plus énergivores et polluants.
Il y a pratiquement 10 ans, des chercheurs étaient parvenus à encoder des données binaires dans des brins d’ADN, la chaîne moléculaire à double hélice dans laquelle sont consignées dans les cellules les informations génétiques du vivant. Quelques années plus tard, les scientifiques ont préféré employer de l’ADN synthétique, plus facile à manipuler, et qui serait capable d’archiver des tonnes d’informations dans un minimum d’espace, pendant des centaines de milliers d’années.
Deux designers et artistes danois, Cyrus Clarke et Monika Seyfried, passionnés de biologie synthétique et militants écologistes, ont mis au point un procédé pour encoder et relire des données dans des végétaux sans avoir besoin de détruire ces organismes vivants. Leur projet s’intitule Grow Your Own Cloud, que l’on peut traduire par « Faites pousser votre propre serveur informatique dématérialisé ». Leur objectif est de combattre les effets du « data warming », des centres de données qui surchauffent la planète en engloutissant des gigawatts d’une électricité générée principalement par des centrales fonctionnant aux énergies fossiles. « D’ici à 2025, les fermes de stockage utiliseront plus de 20 % de l’énergie mondiale », nous précise Cyrus Clarke, administrateur de la jeune pousse qui est née du projet.
« Nous avons commencé ce projet en tant qu’artistes, moi je suis designer et je travaille avec Monika Seyfried qui est aussi artiste de formation. Nous avons eu cette idée il y a 5 ans, mais petit à petit nous avons été rejoints par de nombreuses personnes, surtout des scientifiques américains, qui nous ont aidé à mettre au point ces serveurs informatiques et « biologiques » », indique Cyrus Clarke.
« Notre procédé ne fonctionne pas exactement comme celui expérimenté actuellement par les grandes firmes numériques, qui inscrivent directement des données binaires sur de l’ADN. Nous avons inventé plusieurs étapes intermédiaires en encodant d’abord ces données sur de l’ADN synthétique. Puis cette mixture sous forme liquide intégrant les informations numérisées est ingurgitée par des bactéries. Ces micro-organismes sont ensuite absorbés naturellement par les plantes qui alors stockeront les données », explique Cyrus Clarke.
« La lecture des informations est réalisée en sens inverse avec un outil de séquençage génétique en prélevant les bactéries dans le végétal sans qu’il soit nécessaire de détruire la plante. Nous envisageons de multiplier ces bio-centres de données dans des jardins ou de planter des forêts entières, en créant peut-être bientôt un nouveau type de métier pour les agriculteurs du futur qui seront alors chargés de cultiver et récolter des données », ajoute-t-il.
Les équipes de ce projet à l’origine artistique ont décidé de créer une jeune pousse pour tester grandeur nature les premières infrastructures fonctionnelles de leur biotechnologie. Dans le labo « Data Garden », par exemple, les internautes peuvent en quelques heures réaliser la conversion de données numérisées de textes, d’images ou de fichiers MP3 dans un format « biologique ».
Si la jeune entreprise se concentre toujours actuellement à peaufiner son système d’encodage numérique sur l’ADN des plantes, elle compte à terme industrialiser son procédé et commercialiser auprès des grandes firmes du web ses serveurs informatiques biologiques. Et peut-être qu’avec l’aide de dame Nature et de forêts entièrement dédiées au stockage, notre boulimie du numérique absorbera cette fois le CO2 tueur de climat, plutôt que de l’émettre dans l’atmosphère.
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