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Rapatriement des familles de djihadistes : la France défend son refus devant la Cour européenne des droits de l’homme

Une femme française liée à l’organisation Etat islamique, dans le camp de Roj, en Syrie, le 28 mars 2021. DELIL SOULEIMAN / AFP

C’est un honneur dont le gouvernement français se serait bien passé. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg a examiné, mercredi 29 septembre, dans sa formation suprême, la Grande chambre, la requête des familles de deux femmes djihadistes détenues en Syrie avec leurs enfants demandant leur rapatriement à l’Etat français, qui s’y refuse pour le moment. Il est vrai que lorsque les dix-sept juges de la CEDH, accompagnés de leurs quatre suppléants, entrent dans la salle ovoïde destinée à ces audiences, il y a de quoi être impressionné.

Cette audience était l’aboutissement d’une course de longue haleine après les refus successifs du tribunal administratif puis du Conseil d’Etat de se prononcer sur ce qu’ils considèrent comme une « prérogative » de l’exécutif. Derrière les deux requêtes, les parents de deux jeunes femmes de 30 et 32 ans, arrivées en Syrie en 2014 et 2015, lorsque l’organisation Etat islamique (EI) était au faîte de son pouvoir et régnait sur un « califat » à cheval sur la Syrie et l’Irak. Depuis, elles ont donné naissance à plusieurs enfants et se sont retrouvées prises au piège à Baghouz, le dernier bastion de l’EI, début 2019.

Enfermées dans le gigantesque camp d’Al-Hol (60 000 personnes), dans le nord-est de la Syrie, puis dans celui de Roj, réservé aux prisonnières européennes et à leurs enfants, elles sont sous la garde des forces kurdes, alliées de l’Occident dans la guerre contre l’EI, qui administrent le territoire. Au-delà de leur cas, c’est le sort de centaines de femmes et d’enfants européens – dont une centaine de femmes et deux cents enfants français – qui est en jeu.

« Nous attendons que la Cour condamne la France car nous considérons qu’elle expose ces enfants et leurs mères à des traitements inhumains et dégradants » en ne procédant pas à leur rapatriement, ont déclaré Mes Marie Dosé et Laurent Pettiti, avocats des deux familles, avant l’audience. Selon eux, « ces enfants sont des victimes de guerre, et leurs mères doivent répondre de leurs actes devant le seul pays où elles sont judiciarisées : la France ». Les avocats estiment également Paris responsable d’une violation du droit à la vie familiale. Ils soulignent enfin que la convention européenne des droits de l’homme, dont la France est signataire, interdit à un Etat d’empêcher le retour sur son territoire de ses ressortissants.

La « politique du cas par cas »

L’audience, en présence de plusieurs familles de prisonnières françaises et du député Pierre Morel-A-L’Huissier (UDI, Corrèze), a débuté par l’exposé de l’argumentaire du gouvernement français, présenté par le directeur juridique du ministère français des affaires étrangères, François Alabrune. Pour lui, « la France n’a pas juridiction » sur le territoire où sont détenus les Françaises et leurs enfants. Autrement dit, ces Françaises dépendent soit des autorités autonomes kurdes – qui ne sont pas internationalement reconnues –, soit du régime syrien, avec lequel Paris a rompu ses relations diplomatiques en 2012.

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