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Primaire écologiste : l’écoféminisme, nouvelle convergence des luttes ?

La finaliste de la primaire des écologistes, Sandrine Rousseau, se réclame de l’écoféminisme, un mouvement né dans les années 1970 et qui connaît depuis quelques années un réel engouement. France 24 fait le point sur un concept qui pourrait faire beaucoup parler de lui durant la campagne présidentielle.

« Le principe de l’écoféminisme, c’est de dénoncer ce qui est au cœur de notre système économique et social qui est la prédation », explique à chacune de ses interventions médiatiques Sandrine Rousseau. « On prend, on utilise, on jette le corps des femmes quand on les viole et quand on les agresse. On prend, on utilise, on jette la nature quand on prend des ressources et qu’on salit les océans à coup de plastique. On prend, on utilise, on jette aussi les corps des plus précaires dans la société. »

La finaliste de la primaire écologiste face à Yannick Jadot – le second tour a lieu du 25 au 28 septembre lors d’un vote en ligne – a décidé de se lancer dans la course à la présidentielle le jour de la nomination d’un homme accusé de viol, Gérald Darmanin, au ministère de l’Intérieur. Impossible pour elle de ne pas lier écologie et féminisme. Ces deux luttes seraient intrinsèquement liées.

Né en France dans les années 1970 avec la publication du livre « Le Féminisme ou la Mort » de Françoise d’Eaubonne, l’écoféminisme lie alors le contrôle des naissances à la survie de la planète. « Le premier rapport de l’écologie avec la libération des femmes est la reprise en main de la démographie par celles-ci, ce qui définit la réappropriation du corps », écrit-elle, établissant ainsi un parallèle entre crise écologique et patriarcat.

C’est toutefois à l’étranger que l’écoféminisme se développe, notamment dans les pays anglo-saxons via la lutte antinucléaire, mais aussi avec des mouvements de protestation contre la déforestation en Inde avec Vandana Shiva et au Kenya avec Wangari Muta Maathai. Cette dernière a fondé le Mouvement de la ceinture verte en 1977 dans le but d’encourager les femmes à planter des arbres pour lutter contre la déforestation. L’abattage des arbres mettait en danger le quotidien des villages kényans et des femmes, en charge notamment de la collecte du bois. Grâce à son association, plusieurs dizaines de millions d’arbres ont pu être plantés. Wangari Muta Maathai a reçu le prix Nobel de la paix en 2004 pour son action.

Le déclic #MeToo

« L’idée derrière tout ça, c’est la dénonciation d’un système d’oppression patriarcal. On se rend compte qu’il agit tout le temps de la même façon, sur la planète et sur les femmes, avec la surexploitation des ressources naturelles, l’exploitation du corps des femmes et du travail des femmes », explique Solène Ducretot, militante, cofondatrice de l’association écoféministe Les Volonterres, également porte-parole de Sandrine Rousseau, contactée par France 24.

« Si on tire le fil encore plus loin, c’est le même système qui vient créer des tas de nœuds dans notre société, comme le racisme ou le capitalisme », poursuit-elle. « Il faut donc une convergence entre toutes ces luttes que permet l’écoféminisme, afin de passer d’une société reposant sur un schéma pyramidal avec quelques puissants tout en haut et une masse qui subit à une société basée sur schéma circulaire et s’appuyant sur la coconstruction. »

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En France, le concept reste toutefois assez confidentiel, jusqu’au mouvement #MeToo et aux grandes marches pour le climat. « L’urgence écologique est de plus en plus sensible pour tout le monde et en même temps, on assiste à un retour du féminisme, longtemps considéré comme ringard. De plus, depuis le confinement, il y a une sorte d’aspiration générale à un changement de système, avec l’impression d’être arrivé en bout de course », analyse Jeanne Burgart-Goutal, agrégée de philosophie et auteure du livre « Être écoféministe : théories et pratiques », dans un entretien avec Reporterre.

« Il y a eu plein d’écrits sur l’écoféminisme dans les années 1970 dans les pays anglo-saxons, mais il y a presque tout à construire en France », ajoute Solène Ducretot. « C’est donc un mouvement qu’on peut s’approprier de plein de façons différentes, qui permet la créativité et qui permet de recréer un imaginaire, certes un peu utopique et radical, mais en tout cas hyper stimulant. »

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De fait, l’écoféminisme est un mouvement protéiforme, traversé par de nombreux courants. Cette diversité est d’ailleurs un angle d’attaque facile à exploiter pour ses opposants, qui accusent l’écoféminisme d’essentialiser les femmes – c’est-à-dire de les réduire à leur genre et aux caractéristiques qui s’y rattachent – ou de faire de l’homme un ennemi. D’autant que, dans le même temps, certains livres récents – comme « Le Génie lesbien » d’Alice Coffin, élue écologiste au Conseil de Paris et soutien de Sandrine Rousseau, ou « Moi les hommes, je les déteste » de Pauline Harmange – ont alimenté les accusations de misandrie.

Féminisme et lutte des classes

Solène Ducretot ne nie pas l’existence de ces courants, mais les considère comme marginaux. « Le féminisme, ce n’est pas détester les hommes. Ce que nous dénonçons, c’est un système, pas les hommes. Notre objectif, c’est de déconstruire la société telle qu’elle existe aujourd’hui pour tout reconstruire de zéro. Et pour cela, nous avons besoin des hommes et de tout le monde. »

Ceux-ci sont toutefois invités à se « déconstruire ». Lors du débat d’entre-deux-tours face à Yannick Jadot, mercredi 22 septembre sur LCI, Sandrine Rousseau a ainsi déclaré être ravie de partager la vie d’un homme « déconstruit ».

« Se déconstruire, cela signifie commencer par écouter la parole des femmes », explique Solène Ducretot. « C’est ce que #MeToo a permis. Ensuite, il faut prendre conscience des hiérarchies sociales et des petits privilèges qui vont avec et qui participent à la reproduction des inégalités. Si on est un homme blanc issu d’une classe sociale aisée, on est en haut de la pyramide. Et plus on descend dans la pyramide, plus on subit un système d’oppression. »

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Cette approche mêlant féminisme et lutte des classes est un autre marqueur de l’écoféminisme défendu par Sandrine Rousseau, qui se distingue en cela du féminisme traditionnel. Son combat ne se focalise pas sur l’accession des femmes aux postes à haute responsabilité, dans le monde de l’entreprise ou de la politique, mais sur la défense de toutes les femmes, et en particulier de celles se situant en bas de l’échelle sociale et occupant des emplois précaires ou difficiles, comme les caissières ou les femmes de ménage.

La traduction de cette pensée en programme politique se traduira-t-elle par une victoire dans les urnes ? Sandrine Rousseau en est persuadée. « Ce résultat, finalement, n’est une surprise que pour les personnes qui n’ont pas saisi, ou qui n’ont pas voulu voir, les évolutions de la société », a-t-elle déclaré après l’annonce des résultats du premier tour de la primaire écologiste. Les résultats du second tour, mardi 28 septembre, diront quant à eux si l’écoféminisme restera sur le devant de la scène lors de la prochaine campagne présidentielle.

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