La révolution des diagnostics promise par Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos, n’a jamais convaincu les experts du secteur, mais elle a conquis de nombreuses personnes, de la Silicon Valley au sommet de l’armée, qui se retrouvent maintenant à témoigner dans le procès de la star déchue des biotechnologies.
« Je pensais que ce serait le prochain Apple », a résumé vendredi devant les jurés Adam Rosendorff, qui fut un temps le directeur du laboratoire de l’entreprise.
Theranos prévoyait de produire des outils de diagnostic plus rapides et moins chers que ceux des laboratoires traditionnels. Des méthodes nouvelles devaient permettre de réaliser des centaines d’analyses à partir de quelques gouttes de sang.
Mais les machines n’ont pas fonctionné, et la charismatique Elizabeth Holmes risque la prison pour fraude.
« C’était tellement nouveau, j’étais vraiment impressionné par ce que disait Mademoiselle Holmes », a raconté mercredi l’ancien ministre américain de la Défense Jim Mattis, qui commandait les forces armées américaines au Moyen-Orient quand il a rencontré l’ex-patronne, en 2011.
Le rêve vendu par Theranos intéressait le général pour répondre aux situations de crise, quand il faut diagnostiquer rapidement de nombreux blessés dans des zones de guerre.
– « Surréaliste » –
Jim Mattis a donc investi près de 85.000 dollars dans la start-up, à titre personnel. Et il a accepté de rejoindre le conseil d’administration de la société en 2013, où il est resté jusqu’en 2016, un an après des révélations choc dans le Wall Street Journal.
Il a assuré à la cour qu’il insistait sur la nécessité de faire tester la technologie de Theranos par des entités indépendantes.
Jim Mattis, ministre américain de la Défense de 2017 à 2019, arrive au tribunal de San Jose pour témoigner au procès d’Elizabeth Holmes, le 22 septembre 2021 (AFP – Glenn CHAPMAN)
Mais quand le scandale a éclaté, il pensait qu’il s’agissait d’un problème de communication ou même d’un « journaliste agressif ». « Quand j’y repense aujourd’hui, je suis déçu par le manque de transparence », a-t-il déclaré.
D’autres personnalités ont été séduites par Elizabeth Holmes, qui avait fondé Theranos en 2003, à 19 ans.
L’ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger, un autre ex-membre du conseil d’administration de Theranos, ou encore le magnat des médias Rupert Murdoch, qui avait investi dans la start-up, figurent sur la liste des potentiels témoins du procès-fleuve.
L’ascension de l’entreprise « semblait se jouer dans un univers parallèle où de plus en plus de personnes influentes, qui manquaient de contexte technique, rejoignaient l’aventure », se souvient Jenny Rooke, fondatrice de Genoa Ventures, qui investit notamment dans des solutions de diagnostics.
« Personne dans notre industrie n’a jamais considéré que (Theranos) faisait partie de notre industrie », a-t-elle ajouté. « C’était surréaliste ».
– « Nerveuse » –
« J’ai fait face à beaucoup d’exagérations ridicules de la part de divers entrepreneurs au fil des années, mais Holmes semblait porter la malhonnêteté encore plus loin », a écrit Kara Swisher, journaliste du New York Times, dans une tribune.
En 2014, la fortune de la dirigeante était évaluée à 3,6 milliards de dollars par Forbes. C’était alors la plus jeune milliardaire n’ayant pas hérité de sa fortune.
Elizabeth Holmes arrive au tribunal de San José accompagnée de son mari Billy Evans le 8 septembre 2021 (AFP – Nick Otto)
Réputée pour son regard d’acier et ses manières délibérées, elle portait régulièrement un pull noir à col roulé… Comme Steve Jobs, le fondateur d’Apple, son idole.
Elle était « intelligente, éloquente, déterminée », a indiqué Jim Mattis.
Quand les problèmes techniques se sont accumulés, et que certains employés ont tenté de plaider pour des délais supplémentaires, la façade s’est fissurée.
« Elle était très nerveuse. Elle ne se contrôlait pas aussi bien que d’habitude. Elle tremblait un peu », a relaté Adam Rosendorff, au sujet d’un entretien avec son ex-patronne, quelques jours avant un lancement commercial.
« Pour les problèmes de tests, elle m’a dit qu’on pourrait toujours se servir des instruments conventionnels, approuvés par les autorités, au lieu des appareils de Theranos », a-t-il précisé.
Le salarié a fini par quitter la start-up, estimant que la direction « se souciait plus de lever des fonds que de s’occuper des patients ».
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