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L’exposition de la collection Morozov en France, un ­chef-d’œuvre de diplomatie

Portrait du collectionneur Ivan Abramovitch Morozov, en 1910, par Valentin Serov. COURTESY GALERIE NATIONALE TRETIAKOV, MOSCOU

Vous avez aimé Chtchoukine, vous adorerez Morozov. Cinq ans après l’exposition blockbuster de la collection du premier (plus de 1,2 million de visiteurs au compteur « Icônes de l’art moderne »), la Fondation Louis Vuitton rêve d’un nouveau carton avec les Gauguin, Cézanne, Van Gogh, Bonnard ou Malevitch des frères Mikhaïl et Ivan Morozov.

Pour obtenir ces quelque 200 trésors confisqués et nationalisés à la révolution russe, le groupe LVMH a déployé toute sa puissance financière – la valeur d’assurance se chiffre à plusieurs milliards d’euros – et politique. Car mettre en caisse le meilleur ou presque du Musée Pouchkine et de la galerie Tretiakov de Moscou ainsi que du Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg relève de l’affaire d’Etat. En témoigne le copieux catalogue de l’exposition, préfacé par Emmanuel Macron et Vladimir Poutine en personne.

Cinq années de travail

C’est d’homme à homme, entre le patron de LVMH, Bernard Arnault, et le leader russe que le pacte a été scellé, le 28 novembre 2016 au Kremlin. « La discussion a duré plusieurs heures et ne traitait pas que d’art », confie ­Jean-Paul Claverie, conseiller de mécénat du groupe LVMH. La Russie est un marché juteux pour la cosmétique comme les spiritueux du groupe de luxe. Lorsque l’homme le plus riche de France glisse le sujet Morozov, Vladimir Poutine se montre enthousiaste.

« Il y a des années, cela aurait paru quasi impossible, admet Jean-Paul Claverie, mais la réussite éclatante de l’aventure Chtchoukine a établi une relation de confiance. » Cinq années de travail commencent, avec leur lot de problèmes logistiques et de chausse-trapes, dont le coronavirus fut incontestablement le plus imprévisible et le plus handicapant.

Entre le groupe de luxe français et les musées russes, la lune de miel a débuté en 2015, quand la Fondation Louis Vuitton a fait venir La Danse, de Matisse, conservée à l’Ermitage, pour l’exposition « Les Clefs d’une passion ». Elle s’est poursuivie l’année suivante avec l’exposition « Chtchoukine ». A l’époque, les relations entre les deux pays sont glaciales, du fait de l’annexion de la Crimée par Poutine, en 2014, et des sanctions internationales.

Un dialogue délicat

Jean-Maurice Ripert, alors ambassadeur de France en Russie, évoque néanmoins « une volonté affirmée que les relations culturelles, de peuple à peuple, se poursuivent ». Des souvenirs d’avant la chute du Mur remontent en surface : en 1979, l’exposition « Paris-Moscou », au Centre Pompidou, a dû braver les réticences idéologiques de l’époque. Pour les commissaires, le plus dur fut de localiser les œuvres de l’avant-garde russe, éparpillées aux quatre coins d’un pays bureaucratisé mais archaïque.

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