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ReportageIl y a encore dix ans, il pourchassait les Roms. Aujourd’hui, il veut parler « salaires » et « corruption », et mener l’opposition lors des législatives de 2022.
L’homme a troqué la tenue traditionnelle du mouvement national magyar qu’il portait au début des années 2010 pour le plus contemporain et passe-partout jean-basket-chemise. Mis à part ça, son visage adolescent n’a pas changé malgré le poids des années. A 41 ans, Peter Jakab, le leader du parti hongrois de tradition néonazie Jobbik, se veut un homme nouveau devant la grosse centaine d’habitants venus l’écouter, ce mardi 14 septembre, dans son fief de Miskolc. Située dans le nord-est du pays, région la plus pauvre de Hongrie, la quatrième ville du pays est en déclin démographique accéléré depuis la chute du communisme.
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Voici encore dix ans, M. Jakab, alors au conseil municipal de Miskolc et vice-président de la section locale de Jobbik, y tenait des discours enflammés et organisait des manifestations haineuses contre la minorité rom locale. Mais, aujourd’hui, il est venu parler « salaires », « corruption » ou « émigration ». « On ne se rend pas compte que le pays est devenu un des plus pauvres et corrompus d’Europe, fustige-t-il. Dans les années 1990, on nous a promis la liberté et le bien-être. Mais, trente ans plus tard, il n’y a ni l’un ni l’autre ! » Les Roms ou les juifs ont disparu du viseur de son parti, remplacés par Viktor Orban, le premier ministre nationaliste qui gouverne la Hongrie d’une main de fer depuis 2010. Un homme « qui n’ose plus sortir de son château » et dont « la famille s’est enrichie en volant votre argent », attaque-t-il, sous les applaudissements.
Peter Jakab fait des selfies avec ses partisans après son discours préélectoral à Miskolc, Hongrie, le 14 septembre 2021. ISTVAN BIELIK POUR « LE MONDE »
Un « recensement des juifs »
Cette spectaculaire conversion s’explique par sa candidature à la primaire de l’opposition hongroise, destinée à désigner un adversaire unique face à Viktor Orban pour les législatives d’avril 2022. Organisé du samedi 18 septembre au dimanche 10 octobre, cet événement, une première historique, réunit presque tous les partis d’opposition, de la gauche au centre, en passant par les écologistes, et donc aussi par le Jobbik, qui se définit désormais comme un parti « national, chrétien, conservateur, de centre droit et socialement sensible ». « Nous avons tiré un trait sur les extrémistes, qui sont partis ou ont été exclus », promet au Monde celui qui dirige le parti depuis 2020 en poursuivant l’opération de recentrage entamée par son prédécesseur, Tamas Sneider, pour contourner le Fidesz de M. Orban, qui a, lui, glissé vers l’extrême droite.
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« Le Jobbik a toléré des voix antisémites dans le passé, mais moi je ne les tolère pas et je l’ai nettoyé », poursuit-il, en refusant toutefois de s’excuser pour les propos de son vice-président, qui appelait en 2012 à faire « un recensement des juifs », ou même pour ses propres propos antiroms, dont une bonne partie est toujours à portée de vidéos YouTube. Au début des années 2010, Peter Jakab appelait ainsi à rendre la vie des Roms de Miskolc « infernale », parce qu’ils « utilisent l’argent des honnêtes contribuables pour faire la fête », et fustigeait « des aides sociales qui ne changent rien parce qu’ils continuent à faire leurs besoins au milieu de leur pièce ». En parallèle, le Jobbik terrifiait les ghettos roms de la région en y faisant défiler sa milice paramilitaire, la « Garde hongroise ».
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