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Au Mali, la junte tentée par un duo avec les mercenaires du groupe Wagner

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Le colonel Sadio Camara, membre de la junte et ministre de la défense, à Bamako le 7 juin 2021. NICOLAS RÉMÉNÉ / LE PICTORIUM

Après la République centrafricaine, le Soudan, le Mozambique et la Libye, Wagner va-t-il venir planter son drapeau au Mali ? Aucun contrat n’aurait encore été signé à Bamako. Mais après deux ans d’approche de la société militaire privée russe, selon les informations révélées par l’agence Reuters, les termes d’un accord ont été discutés entre la junte malienne et cette compagnie de mercenaires vue comme l’armée de l’ombre du Kremlin.

Celui-ci prévoirait le déploiement sur le terrain d’un millier d’hommes – certaines sources évoquent un chiffre inférieur –, chargés de la protection des hautes personnalités et de la formation des forces armées maliennes. Si le modèle d’intervention déjà employé en Centrafrique venait à être répété, cette double mission n’empêcherait en rien les agents de Wagner de combattre directement au côté des militaires maliens et serait assortie d’une substantielle contrepartie financière. Reuters évoque 6 milliards de francs CFA (environ 9,15 millions d’euros) par mois et un possible accès à trois gisements miniers.

A Bamako, le ministère de la défense, dont le titulaire du poste, le colonel Sadio Camara, était encore en août en Russie, rappelle opportunément que « l’opinion publique est favorable à une coopération accrue avec la Russie, vu la situation sécuritaire ». Mais il assure aussi qu’« aucune décision n’a été prise sur la nature de cette coopération ». Une manière de souffler le chaud et le froid, alors que l’éventuelle arrivée de ce sulfureux partenaire sécuritaire suscite une évidente inquiétude à Paris, comme dans l’ensemble des chancelleries européennes.

« Même si, à notre connaissance, rien n’a encore été signé, il est confirmé que Wagner multiplie les approches agressives pour s’implanter au Sahel et utiliser le Mali comme point d’entrée », relève un dirigeant français. En août, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, en marge d’une conversation sur le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, ont échangé sur la situation au Sahel.

Relocalisation envisagée au Niger

« Le président lui a expliqué ce que nous faisons et que nous ne sommes pas dans une manœuvre de retrait », poursuit la même source, bien que M. Macron ait annoncé, en juin, la fin de l’opération « Barkhane », assortie d’une diminution de moitié du nombre de soldats déployés dans cette région d’ici à 2023.

Vladimir Poutine a-t-il senti alors que le moment était propice à occuper une place qu’il jugeait laissée vacante par la France ? Si le dirigeant russe a pu démentir toute velléité de cet ordre, force est de constater qu’il n’a pas entièrement convaincu. Le 8 septembre, Christophe Bigot, le directeur Afrique et océan Indien du Quai d’Orsay, a fait un aller-retour à Moscou pour s’entretenir avec son homologue russe. Deux jours plus tard, l’ambassadeur de France à Bamako a été reçu par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Nul ne doute de la teneur des discussions et des messages transmis.

« Wagner s’est illustré singulièrement en Syrie, en Centrafrique, avec des exactions, des prédations, des violations en tout genre. (…) C’est absolument inconciliable avec notre présence. Je le dis pour qu’on m’entende. (…) Une intervention d’un groupe de ce type serait incompatible avec l’action des partenaires sahéliens et internationaux du Mali », a prévenu, mardi 14 septembre, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, interrogé devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Dans un tel cas, une relocalisation rapide au Niger, amené à devenir le nouveau centre des opérations miliaires françaises, pourrait être envisagée. « Les choix ont des conséquences. Nous avons une position de principe qui rendra difficile, voire impossible, de tenir nos engagements », ajoute une source au sein de l’Union européenne, inquiète de ce possible « renversement d’alliances ». Au Mali, l’Union européenne dispose actuellement de plus de 1 200 soldats et policiers, chargés de former les forces de sécurité.

Une conjoncture favorable à la Russie

Si la menace d’une arrivée de ses mercenaires sur le terrain des opérations agite les Occidentaux, le Mali est loin d’être une terra incognita pour la Russie. Depuis l’indépendance, en 1960, la coopération militaire entre les deux pays, renforcée par un nouvel accord signé durant l’été 2019, a permis l’équipement de bon nombre d’unités et la formation de nombreux officiers maliens.

Moscou dispose historiquement d’influents relais sur place et a intensifié ses efforts diplomatiques en direction de Bamako après le coup d’Etat d’août 2020. La conjoncture lui est favorable avec un premier ministre, Choguel Maïga, et un ministre de la défense formés sur ses terres. Le Kremlin pourrait en profiter, dans le jeu de rivalités qui l’oppose à plusieurs nations européennes.

Pour les dirigeants maliens, la Russie offre par ailleurs la possibilité d’une relation sans exigence politique, alors que se profile une prolongation de la transition politique au-delà de l’échéance annoncée de février 2022. A peine plus d’un an après un coup d’Etat qui n’avait trouvé que des condamnations d’usage, Paris a changé de regard sur ces « jeunes officiers bien intentionnés », qui se montrent désormais moins enclins à céder le pouvoir. Un nouvel allié semble prêt à les aider dans leur manœuvre.

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