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11-Septembre : les huit principales théories du complot décortiquées

L’étrange effondrement de la tour n° 7, des mouvements boursiers suspects quelques jours avant les attentats, l’absence de trace d’avion sur le site du Pentagone… Depuis vingt ans, les attentats du 11 septembre 2001 ont été au cœur de nombreuses théories complotistes. Ces doutes ont profondément marqué les esprits et demeurent une porte d’entrée majeure dans le conspirationnisme, même si le Covid-19 l’a depuis supplanté dans ce domaine. Nous avons repris les huit interrogations les plus fréquentes, pour tenter d’y mettre un terme.

1. Comment les Etats-Unis ont-ils pu ne rien voir venir ?

2. Pourquoi les avions détournés n’ont-ils pas été abattus ?

3. Pourquoi les tours se sont-elles effondrées ?

4. Comment le passeport d’un terroriste a-t-il pu être retrouvé intact ?

5. Pourquoi n’a-t-on pas retrouvé de trace d’avion au Pentagone ?

6. Pourquoi la tour numéro no 7 s’est-elle spontanément effondrée ?

7. Les mouvements boursiers ne prouvent-ils pas un délit d’initié ?

8. Pourquoi l’exploitant des tours a-t-il assuré celles-ci peu avant ?

La CIA a-t-elle laissé faire ?

Le siège de la Central Intelligence Agency (CIA), à Langley, en Virginie. DANIEL SLIM / AFP

Les services secrets avaient des indices, mais incomplets

Quelques jours après les attentats, George W. Bush affirme : « Jamais je n’avais envisagé, même en rêve, que nous serions attaqués de cette manière. » Alors directeur du FBI, Robert Mueller déclare également qu’« absolument rien ne disait “quelque chose va se passer” ».

Le rapport de la commission d’enquête sur le 11-Septembre dessine une réalité plus nuancée. Les agences savaient qu’un attentat était en préparation, ce qui a pu laisser dire que les services secrets américains ont été complices, du moins par leur inaction. En réalité, ils n’ont jamais pu déterminer où, quand et comment Al-Qaida allait frapper.

Dès juin 1998, les services de renseignement des Etats-Unis apprennent qu’Oussama Ben Laden projette d’attaquer Washington ou New York. Deux mois plus tard, leurs homologues étrangers les alertent d’un projet djihadiste de détournement d’avion contre le World Trade Center. Pour le 31 décembre 1999, Al-Qaida fomente une quinzaine de projets d’attentats dans le monde, dont le détournement d’un avion de ligne en Inde et une bombe à l’aéroport de Los Angeles (projet faisant partie de ceux qui ont pu être déjoués à temps).

Le projet du 11-Septembre se dessine de manière fragmentaire au cours de l’année 2001 : en janvier, les services secrets français prennent connaissance du projet d’Al-Qaida de frapper le sol des Etats-Unis en détournant des avions civils. Au printemps, la cellule antiterroriste de la Central Intelligence Agency (CIA) apprend que les fidèles d’Oussama Ben Laden se préparent au martyre. En août, un Français membre d’Al-Qaida, Zacarias Moussaoui, est dénoncé par son école de vol en raison de son comportement suspect – il était obsédé par la simulation du trajet Londres-New York en Boeing 747. Enfin, le 10 septembre, un agent du Federal Board of Investigation (FBI) alerte sur le potentiel profil djihadiste d’aspirants pilotes en Arizona. Comme le résume le rapport d’enquête, à l’été 2001, « tous les signaux étaient au rouge », contrairement à ce qu’affirmait l’administration Bush.

Alors, pourquoi l’attaque n’a-t-elle pas été empêchée ? Dès le printemps 2001, le FBI mène en parallèle soixante-dix enquêtes différentes, mais les indices collectés ne sont pas assez concordants pour anticiper le scénario du 11-Septembre :

La cible est floue : les grandes villes américaines sont évoquées, mais aussi plusieurs cités européennes comme Londres et Gênes, ou des ambassades au Moyen-Orient, ce qui complique la coordination entre le FBI, compétent sur le sol américain, et la CIA, tournée vers l’extérieur ;
Le mode opératoire aussi : les services secrets anticipent une attaque au camion piégé, alors considéré comme la signature d’Al-Qaida, un attentat à la bombe, une prise d’otages, voire une opération plus ambitieuse comme un détournement d’avion – mais ce scénario est alors jugé peu vraisemblable en raison de sa complexité ;
Quant à l’hypothèse d’une attaque multiple simultanée, elle n’est pas même envisagée ;
Et pour la date, sur Al-Jazira, Oussama Ben Laden laisse planer la menace d’une attaque imminente, mais aucun indice ne permet d’en déterminer précisément le jour.

A bien des égards, le 11-Septembre est un échec des agences de renseignement américaines, suffisamment organisées pour mesurer l’imminence d’une menace, mais pas assez pour en cerner les détails et la désamorcer. De nombreuses explications bureaucratiques seront apportées à cet échec : la concurrence entre la CIA et le FBI ; les ressources limitées pour la surveillance du terrorisme djihadiste domestique ou l’absence de plan d’action face à une attaque aérienne par un vol interne. « Les terroristes ont exploité les profonds dysfonctionnements institutionnels de notre gouvernement », conclura la commission du Congrès.

Pourquoi les avions piratés n’ont-ils pas été abattus ?

Des théories conspirationnistes affirment que les Etats-Unis auraient laissé faire les attentats du 11 septembre 2001. JEFF CHRISTENSEN / REUTERS

La confusion générale a empêché l’armée américaine d’intervenir à temps

C’est l’une des critiques récurrentes adressées à la défense américaine : un avion de chasse à plein régime peut atteindre deux à trois fois la vitesse de croisière d’un avion de ligne. Pourquoi n’ont-ils pas été lancés pour intercepter les vols détournés ?

En réalité, des jets de l’armée ont bien décollé : une centaine d’entre eux quadrillait le ciel à midi, le 11 septembre 2001. Mais ils sont tous arrivés trop tard, parfois à quelques minutes près, pour plusieurs raisons : des lenteurs de transmission de l’information (la confusion ambiante est perceptible dans l’appel de l’hôtesse de l’air Betty Ong, qui, sous le choc, peine à se remémorer le numéro de vol), la difficulté à localiser les avions dont les transpondeurs ont été coupés, mais aussi le temps nécessaire pour armer un jet militaire avant décollage.

Du reste, les autorités américaines ne connaissent pas le projet des pirates et ignorent comment réagir. Dans leurs transmissions radio, les terroristes assurent vouloir se poser. Les autorités au sol pensent qu’une bombe est à bord. « A l’époque, on en était encore aux détournements d’avion des années 1970. On ne pensait pas qu’on pouvait faire s’écraser l’avion », relatera le lieutenant-colonel Dawne Deskins, chef de mission au Neads, l’antenne militaire de surveillance aérienne du quart nord-est des Etats-Unis.

La complexité de la situation se comprend mieux en lisant le compte-rendu minute par minute effectué dans 11-Septembre : une histoire orale, de l’historien Garrett M. Graff (Les Arènes, 2021). Le centre de contrôle du trafic aérien de Boston (Massachusetts), qui comprend à 8 h 24 qu’un vol a été détourné, se fait confirmer l’information par un autre centre, localise son altitude en appelant l’avion qui le suit de plus près, prend des nouvelles de l’état de santé des passagers blessés via une hôtesse de l’air à bord, écoute deux annonces au micro des pirates, avant d’appeler le Neads pour lui demander d’intervenir en urgence.

Ces multiples transmissions prendront, en tout, treize minutes. Pour ne rien arranger, le Neads est alors en pleine simulation annuelle d’attaque nucléaire russe, et croit d’abord que l’appel du centre de Boston fait partie de l’exercice. A 8 h 46, deux avions de chasse F-15 sont finalement parés à décoller, mais c’est trop tard. A 8 heures 46 minutes et 40 secondes, le vol American Airlines 11 a déjà percuté la tour nord du World Trade Center.

Confrontés aux mêmes difficultés, les autres F-15 lancés arriveront avec une dizaine de minutes de retard sur les autres vols, parfois sans même savoir que leur cible s’est déjà écrasée. George W. Bush ordonne pourtant expressément d’abattre le vol United Airlines 93, le dernier à avoir été piraté, mais les terroristes ne lui en laissent pas le temps : confrontés à la révolte des quarante-quatre passagers, ils s’écrasent volontairement en pleine Pennsylvanie.

Pourquoi les tours se sont-elles effondrées ?

L’effondrement à la verticale des tours jumelles, censées résister à l’impact d’un avion, a été interprété par les tenants d’un complot interne comme la preuve qu’elles avaient été plastiquées. RAY STUBBLEBINE / REUTERS

La brèche créée par le crash a augmenté la puissance des incendies

L’effondrement des tours du World Trade Center est probablement le point qui a suscité le plus d’interrogations, et pas uniquement de la part des sceptiques ou des complotistes. Même les ingénieurs en bâtiments n’anticipaient pas que les deux structures s’écrouleraient sur elles-mêmes. Ce n’est qu’après plusieurs années d’enquête que l’Institut national des normes et de la technologie (NIST) a pu expliquer les facteurs entrés en jeu :

L’impact des avions a sévèrement endommagé les colonnes des noyaux centraux des bâtiments, qui supportent les deux tiers du poids des structures ;
Les deux appareils contenaient 34 000 à 38 000 litres de kérosène. Après l’impact, seule une petite partie s’est consumée et le carburant restant s’est disséminé sur plusieurs étages, multipliant les incendies ;
L’impact des avions a créé de larges brèches dans les façades, créant des appels d’air qui ont alimenté les incendies bien davantage que l’oxygène intérieur des tours ;
Le crash a délogé de grandes parties d’isolants thermiques qui recouvraient des éléments de la structure, ce qui a exposé les métaux aux feux et les a affaiblis rapidement.
L’impact (ici du premier avion, sur la tour nord) a créé une large brèche, par laquelle l’air s’est engouffré, alimentant des incendies d’une violence dépassant les attentes des architectes. David Karp / AP

Ces facteurs combinés ont permis aux incendies d’être alimentés, d’atteindre des températures très élevées et d’affaiblir suffisamment les structures centrales respectives des tours pour qu’elles ne soutiennent plus le poids au-dessus de la zone endommagée. De nombreuses simulations ont démontré que, sans les dommages causés par les avions (la perte d’isolants thermiques étant la plus cruciale), les deux tours auraient relativement bien tenu le choc et ne se seraient pas effondrées. Les incendies auraient même rapidement reculé par manque de combustible.

Une fois que la partie touchée par les avions ne pouvait plus soutenir le poids du bâtiment, l’effondrement de toute la structure a suivi. « Puisque les étages inférieurs offraient peu de résistance à l’immense énergie libérée par la masse du bâtiment en chute, la partie supérieure des tours s’est essentiellement effondrée en chute libre », expliquent les auteurs du rapport. La chute des tours a comprimé fortement l’air situé dans les étages écrasés, ce qui a provoqué l’éjection de débris par les fenêtres, comme l’ont montré plusieurs vidéos. Enfin, les ingénieurs affirment n’avoir trouvé aucune preuve matérielle corroborant des hypothèses alternatives comme une démolition contrôlée à l’aide d’explosifs.

Les deux crashs, puis l’effondrement des deux tours, ont recouvert Manhattan de débris. Au sol, parmi les décombres, des dizaines de milliers d’objets ont été retrouvés, dont, entre autres détails, le passeport d’un des terroristes. DOUG KANTER/AFP

Plus de 11 000 objets ont été retrouvés dans les rues alentour

« Le fait qu’on retrouve le passeport de Mohammed Atta au sommet de la pile de gravats, ça [ne] t’étonne pas toi ? », réagissait l’animateur Thierry Ardisson en 2011, interrogé sur France 2 à propos des théories du complot. Le passeport intact de Satam Al Suqami (et non pas de Mohammed Atta), l’un des cinq pirates de l’air du vol American Airlines 11, retrouvé au sol par l’un des policiers, est souvent cité comme une découverte « miraculeuse » donc louche.

Le document a bel et bien survécu au crash de l’avion, mais il n’a pas été exactement été retrouvé dans les gravats du World Trade Center. Il se trouvait plus loin, dans la rue, qui était jonchée de débris et d’affaires appartenant aux passagers du premier des quatre avions détournés. Comme de nombreux autres objets emportés par le vent, il n’a pas été exposé à l’incendie de la tour. Au total, plus de 11 000 objets personnels ont été retrouvés à Ground Zero – en ne tenant compte que de la collection du mémorial qui y a été inauguré.

Du reste, si le passeport a été versé au dossier en tant que pièce à conviction, son importance est mineure, car les autorités américaines connaissaient déjà le nom des pirates islamistes. Ceux-ci s’étaient en effet présentés sous leur véritable identité à l’enregistrement du vol et figuraient dans les fichiers informatiques. Durant vingt-cinq minutes, alors que l’avion était détourné et que les terroristes s’étaient enfermés dans la cabine de pilotage, Betty Ong, une hôtesse de l’air, avait transmis aux personnels au sol tout ce qu’elle savait des pirates, notamment leur numéro de siège. C’est grâce à ces informations, et non pas grâce à ce passeport, qu’ils ont pu être identifiés.

Pourquoi n’a-t-on pas retrouvé de traces d’avion au Pentagone ?

Aucune carlingue n’ayant été retrouvée sur le site du crash du Pentagone, certains ont émis la thèse que l’impact serait dû à un tir de missile. Department of Defense / VIA REUTERS

De nombreux débris du vol 77 ont été retrouvés

Et si c’était un missile, plutôt qu’un avion, qui avait visé le ministère de la défense américain ? Là encore, l’idée a été relayée par plusieurs films complotistes à succès, dont le documentaire Loose Change, en 2005. Les trois auteurs du film estiment que les dommages subis par le bâtiment du Pentagone ne sont pas assez étendus pour correspondre à l’impact d’un Boeing 757 et de ses ailes, et ils en déduisent que la tragédie est plutôt le fait d’un missile tiré par l’armée de l’air américaine elle-même.

Cette thèse s’appuie sur l’extrait d’une caméra de télésurveillance installée dans les jardins du Pentagone, rendu public en 2005, justement pour montrer l’impact. Mais nombre d’internautes ont interprété ces images fugaces comme le fuselage longiligne d’un missile plutôt que d’un avion. Une illusion d’optique : la caméra utilise un objectif grand angle, qui a la particularité de compresser les proportions. C’est la raison pour laquelle la carlingue y apparaît si plate.

D’autres arguments avaient été avancés à l’époque, comme le fait qu’aucun débris d’avion n’avait été retrouvé sur les lieux du crash, ou qu’un témoin avait affirmé avoir aperçu un missile. Toutes ces affirmations sont fausses, puisque les débris du Boeing 757 jonchaient les lieux, y compris la pelouse du Pentagone, photographiée à de nombreuses reprises. Des débris d’avion, comme l’enregistreur de vol, ont bien été retrouvés dans une allée du Pentagone au point de sortie de la carlingue, un bout de tôle froissé sur sa pelouse ou encore un débris d’un des moteurs en titane, pour ne citer qu’une des nombreuses photos prises sur place.

Pour ce qui est du témoin cité par CNN, Mike Walter, sa citation est tronquée. En réalité, il a déclaré : « J’ai regardé par ma fenêtre et j’ai vu cet avion, un avion d’American Airlines, arriver… Je veux dire, c’était comme un missile avec des ailes. »

Une centaine de témoins ont vu un avion de ligne percuter le Pentagone ce jour-là. Et les traces ADN de presque tous les passagers du vol 77 ont été retrouvées dans le bâtiment.

La thèse du missile contredit, en outre, les conclusions de l’enquête menée après l’attentat. L’étude des débris et l’exploitation des données de vol de la boîte noire ont montré que l’avion a volé à une altitude si basse sur les deux cents derniers mètres qu’il a arraché cinq lampadaires et qu’une aile a heurté un générateur électrique au sol. L’autre aile a bien frappé l’épaisse façade renforcée du bâtiment, mais n’a fait que peu de dégâts. « Un avion qui s’écrase ne laisse pas un trou de sa forme exacte dans une structure de béton armé comme dans les dessins animés », a expliqué au magazine américain Popular Mechanics Mete Sozen, professeur d’ingénierie structurelle à l’université Purdue (Indiana). Une fois les ailes brisées, la carlingue s’est enfoncée, et a traversé l’une des cinq ailes du bâtiment.

Pourquoi la tour no 7 s’est-elle spontanément effondrée ?

La tour n° 7 du World Trade Center, séparée du reste du complexe par une passerelle, s’est elle aussi écroulée, sans avoir été touchée par un avion. MIKE SEGAR / REUTERS

Des projections de la tour de no 1 ont déclenché des incendies

En plus des tours jumelles, le bâtiment no 7 du World Trade Center (WTC7), annexe du complexe, a également été détruit. Pourtant, il se situe à une rue d’écart et n’a pas été frappé. Pour l’association Architects & Engineers for 9/11 Truth, un collectif constitué de professionnels n’ayant pas d’expertise réelle en structure de bâtiment, ce serait la preuve que le 11-Septembre est un coup monté des services américains.

Après plusieurs années d’analyse, les spécialistes de l’Institut national des normes et de la technologie sont arrivés à la conclusion que l’effondrement du WTC7 avait été provoqué par des incendies, eux-mêmes déclenchés par la chute de débris en provenance de la tour no 1. « Quand la WTC1 s’est effondrée à 10 heures 28 minutes et 22 secondes, la plupart des débris ont atterri dans une zone guère plus large que la superficie au sol de la WTC1 elle-même. Cependant, certains fragments ont été éjectés et ont parcouru jusqu’à plusieurs centaines de mètres », explique le rapport du NIST. Plusieurs d’entre eux ont heurté les façades ouest et surtout sud de la WTC7, affaiblissant son colonage externe et déclenchant des incendies en interne.

L’un des débris a fracturé le réservoir d’eau du bâtiment, ce qui a empêché les mécanismes de lutte contre les incendies de se mettre en action. Le feu a donc pu librement progresser pendant sept heures, à des températures pouvant dépasser 1 000 °C, et affaiblir les étages, jusqu’à ce qu’ils cèdent. L’effondrement de ceux-ci a entraîné l’une des colonnes portantes, puis plusieurs autres colonnes, dans un effet domino, jusqu’à ce que la structure porteuse craque sous le poids de l’immeuble en désagrégation.

Du reste, relèvent les ingénieurs du NIST, aucune trace d’explosif n’a été retrouvée, et aucun bruit de détonation n’a été entendu par les témoins, alors que le dynamitage aurait dû faire l’équivalent du bruit d’un circuit de formule 1 jusqu’à un kilomètre à la ronde.

Pourquoi y a-t-il eu des mouvements boursiers suspects avant ?

Des mouvements boursiers suspects ont agité les secteurs de l’aviation et de la finance, quelques jours avant les attaques. Ils demeurent inexpliqués. Brendan McDermid / REUTERS

Les experts estiment qu’un délit d’initié est probable

La plupart des économistes s’accordent à relever que le niveau de ventes à Wall Street les jours précédant les attentats était inhabituellement élevé, voire « d’une grande rareté », notamment pour les actions des compagnies aériennes United Airlines, American Airlines, Delta Airlines et KLM Airlines, mais aussi de la compagnie d’assurances Morgan Stanley, qui occupait 22 étages du World Trade Center. Ces éléments suggèrent un possible délit d’initié.

Par exemple, les options à la vente sur les actions United Airlines (UAL) ont été multipliées par près de cent : elles sont passées de 27 le 5 septembre 2001, à 2 000 le lendemain, rapportait Bloomberg à l’époque. Pour deux professeurs à l’université de Zurich, Marc Chesney et Loriano Mancini, respectivement spécialiste des produits et économètre, qui ont étudié en profondeur ces mouvements en 2007, « la probabilité qu’il y ait eu délits d’initié est forte pour American Airlines, United Airlines, Merrill Lynch, Bank of America, Citigroup et JPMorgan. Ce n’est pas une preuve juridique mais le résultat de méthodes statistiques montrant des signes d’irrégularités ».

La commission d’enquête s’est penchée sur ces anomalies. « Des mouvements boursiers inhabituels ont bel et bien eu lieu, mais chacun d’entre eux s’avère avoir une explication non délictuelle », désamorce-t-elle, estimant que l’emballement est né de l’achat de 95 % des valeurs d’UAL par un investisseur privé sans lien connu avec Al-Qaida, sur la foi de conseils boursiers d’une newsletter financière.

Une explication jugée naïve par l’économiste et homme d’affaires américain James Rickards. Dans The Death of Money : The Coming Collapse of the International Monetary System (2014, non traduit), analyse des dessous peu reluisants du monde de la finance, il juge que les théories du complot rendant les Etats-Unis responsables de l’attaque sont une « absurdité », mais confirme que ces mouvements boursiers atypiques orientent vers un délit d’initié. Après tout, le 11-Septembre demeure au sens strict un complot, c’est-à-dire une action fomentée en secret par un petit groupe.

Selon lui, ces mouvements atypiques auraient pu être déclenchés par des investisseurs proches d’Al-Qaida attirés par l’appât du gain. Pour James Rickards, « le délit d’initié terroriste n’était pas un complot du gouvernement américain, mais une simple extension du plan principal des terroristes. C’était méprisable mais, en même temps, banal ». Ces ventes soudaines et suspectes, alors que le marché des valeurs aéronautiques est habituellement stable, auraient alors fait boule de neige, entraînant de nombreux autres investisseurs dans une surenchère vendeuse, dans un milieu boursier par nature suiviste, prompt à détecter les tendances et les amplifier.

Pourquoi l’exploitant des tours a-t-il assuré celles-ci peu avant ?

Le promoteur immobilier Larry Silverstein pose devant le 7 World Trade Center, en août 2021. ROSELLE CHEN / REUTERS

En réalité, les tours jumelles étaient déjà assurées auparavant

Après un procès de trois ans, l’homme d’affaires américain Larry Silverstein, exploitant (et non pas propriétaire) des tours jumelles, a reçu 4,55 milliards de dollars (un peu plus de 3,85 milliards d’euros) de la part de sa compagnie d’assurances, car il avait souscrit une assurance contre le terrorisme. Il a même réussi à obtenir un double dédommagement, en faisant valoir que le complexe d’affaires avait subi deux attaques différentes le même jour. Selon une théorie du complot tenace, il aurait contracté cette assurance quelques jours seulement avant le 11 septembre 2001, une coïncidence pour le moins troublante, d’autant que lui-même était absent de son bureau le jour de l’attaque. Tant de coïncidences ne seraient-elles pas la preuve qu’il était de mèche avec les auteurs de l’attaque ?

En réalité, cette assurance date de juin 2001, et a été contractée au moment où Larry Silverstein et le consortium qu’il dirige ont récupéré sous la forme d’un crédit-bail de 99 ans entré en vigueur en juillet 2001 les droits d’exploitation des tours 1, 2, 4 et 5 du complexe, jusqu’alors gérées par l’autorité portuaire de New York.

Contracter une assurance contre le terrorisme n’a rien de saugrenu, puisque le World Trade Center avait déjà été la cible d’un attentat à la bombe, en 1993, et était considéré depuis comme une cible potentielle. Le complexe était déjà assuré contre le terrorisme, et 510 millions de dollars de dédommagement avaient alors été versés à l’autorité portuaire, rappelle le site de vérification Snopes. En récupérant l’exploitation des lieux, Larry Silverstein n’a donc fait que contracter à son nom une assurance qui existait déjà.

Au passage, ces rumeurs reprennent un des clichés antisémites les plus tenaces, celui du riche juif complotant pour s’enrichir. Ce que ces récits calomniateurs ne disent pas, c’est que Larry Silverstein était contractuellement tenu de reconstruire le complexe. Environ 1 milliard de dollars versés par les assurances ont ainsi été consacrés au financement de la construction de la One World Trade Center, qui remplace symboliquement, depuis 2012, la WTC1. Ces indemnisations ont aussi servi à payer la reconstruction d’autres immeubles remplaçant le complexe financier d’origine, dont certains sont encore en projet.

La One World Trade Center a été inaugurée en 2014. Elle a été en partie financée par les indemnités d’assurance. SPENCER PLATT / AFP

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