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Biodiversité, urbanisation : en Argentine, des gros rongeurs révèlent les maux écologiques et sociaux du pays

Des capybaras près de Mar del Plata, en Argentine, le 8 mai 2020. MARA SOSTI / AFP

LETTRE DE BUENOS AIRES

« Invasion de capybaras », « habitants désespérés », « capybaragate ». Les chaînes d’information en continu argentines, plus volontiers occupées par la campagne électorale à trois mois d’élections législatives partielles, ont été, dès le 18 août, soudainement happées par une bande de rongeurs, les plus gros du monde, qui sèment la zizanie à Nordelta, un conglomérat de quartiers dans le nord de la capitale, Buenos Aires.

Ces herbivores d’Amérique du Sud, qui peuvent peser jusqu’à une soixantaine de kilos, sont pris sur le vif, fouinant près des poubelles des habitants, visitant leur jardin ou jaillissant sur les routes, où un motard est déstabilisé. L’image d’un petit chien blanc, supposément mordu au flanc par un carpincho, en espagnol, est reprise en boucle. « Dégoûtant ! », s’exclame la présentatrice de l’une de ces chaînes face aux « hordes » de rongeurs qui défilent tranquillement dans le quartier de Nordelta. Au fil des jours, ils sont devenus un révélateur des choix environnementaux, sociaux et urbains du pays.

Construit sur le delta du Tigre, à une trentaine de kilomètres de la capitale, Nordelta est, depuis vingt ans, une résidence fermée, comme il en existe dans Buenos Aires et sa région : une zone d’habitation exclusive, sous sécurité et destinée à l’élite économique du pays. Assurément le plus iconique, car gigantesque, le quartier de Nordelta, ville dans la ville, abrite des écoles, un centre médical, des lieux de culte, un centre sportif et des zones de loisirs destinés à ses 40 000 habitants, selon l’association de voisins. Une note vocale sur WhatsApp enregistrée par une habitante critiquant le supposé dévoiement social de son quartier était devenue virale il y a quatre ans, consacrant alors une figure sociologique à part entière : « le/la bourge de Nordelta ».

Des capybaras convertis à Karl Marx ?

Un nonchalant rongeur troublant le calme de la bourgeoisie, dans ce pays où 42 % de la population vit dans la pauvreté : « l’invasion » s’est rapidement transformée en symbole de la lutte des classes, générant une kyrielle de mèmes et de messages humoristiques. L’un d’eux présente un capybara plongé dans la lecture du Capital, de Karl Marx, un maté (l’infusion très consommée des Argentins) à portée de patte. « Les capybaras virent les bourges de Nordelta. C’est le seul animal qui mérite d’être sur les billets », se fend un internaute sur Twitter, photo d’un fier rongeur à l’appui, en référence aux animaux autochtones imprimés sur les nouvelles coupures argentines.

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