S’agissant de Michael Lewis, il fallait s’attendre à un best-seller. L’homme est l’auteur de Moneyball (éditions W. W. Norton & Company Inc., 2003, non traduit), sur la révolution des statistiques dans le base-ball, et de The Big Short (Le Casse du siècle, Sonatine Editions, 2010), sur les fonds spéculatifs à Wall Street. Autant de livres qui ont donné lieu à des films à gros budget.
Cette fois, Michael Lewis déroule l’histoire du fiasco de la réponse des Etats-Unis à la pandémie de Covid-19. L’enquête, The Premonition. A Pandemic Story (W.W. Norton & Company Inc., non traduit), se lit comme un thriller. Elle met en scène un groupe de visionnaires aux prises avec la bureaucratie sanitaire : les « Cassandre du Covid », selon l’expression du New York Times. Ceux-là pressentent que les Etats-Unis ne sont pas prêts à répondre à l’inéluctable : une maladie hautement contagieuse. A chaque pas, ils se heurtent à un mur de déni, nommé Trump et consorts, mais pas seulement, c’est la vraie révélation du livre.
Sorti en mai, le récit a été loué par la presse comme une œuvre de salut public, ou peu s’en faut. Les hiérarques de la santé publique ont, eux, préféré l’ignorer. Autant que Trump, dont chacun a pu suivre la réponse de plus en plus erratique, c’est en effet les CDC (centres pour le contrôle et la prévention des maladies) qui font piètre figure.
Un credo : pas d’alarmisme, pas de précipitation
Source de fierté nationale, parfois jusqu’à l’arrogance, ces institutions censées « contrôler » les maladies s’en sont montrées incapables. Erreur sur les tests, quand les CDC ont voulu imposer le leur, qui s’est révélé défaillant ; sur les masques, d’abord déclarés non indispensables ; sur le traçage des premiers voyageurs de retour de Chine, dont n’était consigné que l’aéroport d’arrivée… Depuis Ronald Reagan, les CDC se sont politisés, affirme Michael Lewis. Leur credo est : pas d’alarmisme, pas de précipitation, et surtout rien qui pourrait nuire à l’hôte de la Maison Blanche. Résultat : avec 4 % de la population mondiale infectée, les Etats-Unis ont totalisé près de 14 % des morts.
Le livre s’ouvre au début des années 2000, bien avant que le monde ne s’intéresse aux chauves-souris de Wuhan. Au Nouveau-Mexique, une adolescente nommée Laura Glass travaille à un modèle de prévision des contaminations pour un projet scolaire. A San Francisco, le génial chasseur de virus Joe DeRisi a mis au point une méthode de séquençage des agents pathogènes. L’héroïne du récit est Charity Dean, 44 ans, infectiologue et directrice adjointe de la santé publique de Californie. Elle aussi en a l’intuition en décembre 2019 : « Ça y est. Ça a commencé. » La docteure Dean est maintenant à la tête d’un laboratoire privé qui a conçu un logiciel de détection des virus et de contrôle des épidémies : une version start-up des CDC en quelque sorte.
Il vous reste 16.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article La fiasco sanitaire américain à la sauce Marvel est apparu en premier sur zimo news.