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« Páradais », ou l’enfer pour les femmes au Mexique

FRED PEAULT

C’est une écriture sans filtre qui concentre les maux du Mexique. Le dernier roman de Fernanda Melchor, portrait au vitriol des ravages machistes, a pris une résonance particulière à la veille des méga élections régionales du 6 juin dernier. L’écrivaine et journaliste trentenaire s’est indignée de la candidature d’un « possible violeur » à un poste de gouverneur dans un pays miné par les violences de genre.

Sorti en février au Mexique, Páradais (Penguin Random House, non traduit) est son troisième livre. Dans un style aussi concis (158 pages) que brutal, la romancière s’immisce dans l’existence de Polo, jeune jardinier pauvre d’une résidence de luxe, sur la côte du Golfe du Mexique. Sa rencontre avec un autre adolescent, Franco, fils de riches, rompt sa solitude. Polo rêve de quitter ce job payé une misère et son village infesté de narcotrafiquants. Franco, lui, est obèse et fan de pornographie. Son obsession pour une attirante voisine, mère de famille, débouchera sur un drame macabre.

« Tout est la faute du gros. » Dès la première phrase, la plume acérée de Fernanda Melchor, qui mêle sans pudeur la belle langue de Cervantes à l’argot mexicain le plus cru, fait figure de sentence. La romancière est née en 1982 dans l’Etat de Veracruz (Est), théâtre de la guerre sans merci des cartels de la drogue. Lauréate du prix international de littérature de Berlin en 2019 pour son second roman, La Saison des ouragans (Grasset, 2019), la romancière fait partie de cette nouvelle génération d’écrivaines mexicaines engagées contre l’hécatombe des féminicides. Plus de dix femmes sont assassinées chaque jour au Mexique.

Violence endémique

Dans Páradais, Fernanda Melchor adopte le point de vue inattendu des bourreaux pénétrant un imaginaire sexuel masculin qui transpire la misogynie et le désir compulsif de domination, convertis en obsession meurtrière. A cette violence endémique s’ajoute le gouffre social qui sépare Polo de Franco, dans un pays où la moitié des Mexicains vivent dans la pauvreté. Les plus démunis, comme les riches, ont les yeux rivés sur le voisin américain. Un ailleurs que résume le titre Páradais, hispanisation du mot anglais paradise (« paradis »), le nom de la résidence que personne ne parvient à prononcer correctement.

Le roman tiré à 11 700 exemplaires au Mexique, dont 9 500 déjà vendus, a fait écho aux tourments de la campagne électorale. La pandémie a plongé 10 millions de Mexicains supplémentaires dans la misère sans réduire la violence du crime organisé. Le dédain du président de gauche, Andres Manuel Lopez Obrador (« AMLO »), envers les mouvements féministes a indigné l’opinion.

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