Editorial du « Monde ». Né de l’expansion de la démocratie et du capitalisme, le phénomène des mafias ne cesse, à l’heure de la mondialisation, de se renforcer. Menace majeure pour la sécurité collective, le crime organisé transnational est devenu une puissance à part entière. Portées par leurs activités criminelles, dont la principale reste le commerce des drogues, les organisations mafieuses investissent chaque année davantage le champ des économies légales. Et les Etats, comme notre série « Géopolitique des mafias » l’a illustré chaque samedi de l’été, entretiennent tout autant le phénomène qu’ils le combattent.
Au Mexique, la force de frappe financière d’une quinzaine de cartels de la drogue est utilisée pour façonner le champ politique. Les criminels mexicains ont à leur disposition des moyens colossaux. Presque aucune élection n’échappe à leur influence. L’Etat est infiltré. Dans certaines régions, on peut même parler de cogouvernance entre l’Etat et les cartels.
Relation fusionnelle
Dans les Balkans, les criminels albanais, serbes ou monténégrins sont passés en trois décennies, depuis la chute du communisme, du rang de simples voyous à celui d’acteurs-clés du crime organisé international. Le problème, là aussi, est la relation étroite avec l’Etat. En Serbie et au Monténégro, les opérations criminelles sont orchestrées, avec la complicité des services secrets, en lien avec les pouvoirs politiques.
Ce type de relation fusionnelle entre l’Etat et la mafia se retrouve dans d’autres pays, où un système totalitaire, notamment communiste, a dominé jusqu’à récemment. C’est le cas en Russie et dans d’autres pays de l’espace ex-soviétique, où l’influence des Vory v zakone (Voleurs dans la loi) ne cesse de se renforcer. Nées dans les goulags, les organisations criminelles ont depuis longtemps étendu leurs ailes bien au-delà de leur berceau caucasien pour aller conquérir le monde.
A Hongkong, où c’est au contraire la démocratie qui a reculé depuis que le territoire est revenu dans le giron de Pékin, les triades opèrent aussi en lien avec le gouvernement chinois. Partie intégrante de la société hongkongaise, les mafias s’adaptent, depuis l’époque coloniale, aux changements de régime et prospèrent.
Un nouveau type de criminalité
En Italie, mère patrie de la mafia au sens littéral du terme, cela fait longtemps que les criminels sont partis à la conquête du monde. Après l’Europe, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud, ils ambitionnent aujourd’hui d’étendre leurs ramifications en Asie et en Afrique. La ’Ndrangheta calabraise, désormais la plus puissante des mafias italiennes, est estimée comme étant la plus dangereuse structure de crime organisé au monde.
Portées par l’internationalisation des échanges, les mafias investissent chaque jour davantage les économies légales. La création des monnaies virtuelles contribue également au blanchissement de l’argent du crime, certaines organisations favorisant désormais le bitcoin plutôt que le cash. Et, comme l’illustre le dernier épisode de notre série, la monnaie virtuelle est dorénavant aussi à l’origine d’un nouveau type de criminalité, qu’on ne peut pas assimiler à une mafia mais qui ébranle lui aussi les économies : l’extorsion de fonds à l’échelle planétaire.
Comme le notent depuis longtemps l’écrivain italien Roberto Saviano ou, cette semaine, dans une tribune envoyée au Monde l’opposant russe Alexeï Navalny, il est temps que les Etats réagissent vigoureusement, au niveau international, au développement de la corruption et à l’emprise du crime organisé.
Retrouvez tous les épisodes de la série « Géopolitique des mafias » ici.
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