L’armée s’est déployée, samedi 14 août, dans des stations-service au Liban, en proie à de graves pénuries de carburants, le gouverneur de la Banque centrale refusant de rétablir les subventions alors qu’un des principaux hôpitaux du pays a prévenu qu’il allait devoir fermer ses portes, évoquant un « désastre imminent ».
Le Liban traverse depuis la fin 2019 l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, et connaît d’importantes pénuries de carburants, qui affectent l’approvisionnement en biens de première nécessité.
« Je ne reviendrai pas sur (la décision de) lever des subventions sur les carburants à moins que l’usage des réserves obligatoires (de devises) ne soit légalisé », a déclaré le directeur de la Banque centrale (BDL), Riad Salamé, au micro d’une radio locale. « Nous disposons encore de 14 milliards de dollars de réserves (obligatoires), en plus de 20 milliards de dollars d’actifs externes », a-t-il précisé. Ces réserves dépassaient 30 milliards de dollars avant la crise.
La BDL a annoncé mercredi sa décision de n’accorder des lignes de crédit qu’au taux du marché noir pour l’importation de carburants, provoquant colère et panique dans le pays et faisant craindre une énième augmentation des prix et des pénuries, y compris de pain.
Plusieurs établissements ont dû fermer leurs portes, faute de diesel pour alimenter les générateurs privés, tandis que les pannes de courant culminent à plus de vingt-deux heures par jour.
L’American University of Beirut Medical Centre (AUBMC), un des principaux hôpitaux privés du pays, a prévenu samedi d’un « désastre imminent », se disant contraint de cesser ses activités dans les quarante-huit heures s’il n’obtenait pas de carburant. « Quarante malades adultes et quinze enfants, sous respirateurs, mourront dans l’immédiat », s’alarme le AUBMC dans un communiqué. « 180 personnes souffrant d’insuffisance rénale mourront intoxiquées après quelques jours (…). Plusieurs centaines de malades du cancer, adultes et enfants, mourront dans les semaines qui viennent », ajoute le AUBMC.
Soixante-dix-huit mille litres d’essence saisis
Samedi, des files interminables s’allongeaient devant des stations d’essence, tandis que des camions de distribution de carburant étaient pris d’assaut par des citoyens en colère, selon des médias locaux. Certaines stations-service ont fermé pour conserver du stock de carburant en attendant une nouvelle hausse des prix.
Dans un communiqué, l’armée a menacé de « perquisitionner les stations-service fermées, de confisquer toutes les quantités d’essence qui y sont stockées (…) et de les distribuer directement et gratuitement » aux automobilistes. Selon des correspondants de l’Agence France-Presse (AFP), des soldats déployés en masse dans les stations d’essence ont imposé en début d’après-midi l’ouverture de plusieurs d’entre elles au nord de Beyrouth et ailleurs.
L’armée a dit avoir saisi plus de 78 000 litres d’essence stockés dans deux stations-service ainsi que 57 000 litres de diesel dans une troisième, située dans l’est du pays. Elle a partagé des images sur les réseaux sociaux montrant des soldats remplissant eux-mêmes les réservoirs des véhicules dans les stations-service.
Riad Salamé a critiqué samedi les importateurs et distributeurs de carburants, accusés de profiter des subventions et de stocker d’importantes quantités pour les vendre plus cher sur le marché noir. « Il est inacceptable que nous importions 820 millions de dollars de carburants et qu’il n’y ait ni diesel, ni essence, ni électricité » sur le marché local, a-t-il déploré, ajoutant que ce montant devait suffire pour trois mois, « pas seulement un mois ».
En poste depuis 1993, M. Salamé est accusé par la rue d’avoir, à l’instar des barons de la politique libanaise, mené le pays à la dérive et transféré d’importantes sommes à l’étranger lors de la contestation populaire d’octobre 2019, et d’avoir imposé des restrictions bancaires draconiennes, toujours en vigueur. Il fait l’objet d’enquêtes judiciaires au Liban, en Suisse et en France pour plusieurs affaires, y compris de détournement de fonds publics.
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