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Election présidentielle en Zambie, confrontée à « une montagne de dettes »

Des affiches de campagne du président Edgar Lungu à Lusaka, le 9 août 2021. MARCO LONGARI / AFP

Anita Chabala, 21 ans, se fait discrète. Jeudi 12 août, pour la première fois, elle votera pour élire un président, mais il n’est pas bon de s’afficher en rouge, couleur de l’opposition, ces jours-ci à Lusaka. « Je pourrais être agressée », confie la jeune femme. « Pour le moment, on nous a conseillé de ne pas porter d’insignes » du Parti unifié pour le développement national (UPND, opposition), de Hakainde Hichilema. Surnommé « HH », cet homme d’affaires autodidacte se présente pour la sixième fois à l’élection présidentielle en Zambie.

Pour éviter d’être pris pour cible par leurs rivaux, certains militants de l’opposition vont jusqu’à porter du vert, la couleur du Front patriotique (PF), du président sortant Edgar Lungu. Avec humour, ils ont baptisé ce déguisement « la tactique de la pastèque ». Mais dans les rues de la capitale, qui concentre quelque 3 millions des 17 millions de Zambiens, le vert domine sur les affiches placardées au mur ou les bandelettes enroulées autour des lampadaires.

Le visage de M. Lungu, un homme grand et mince, grimace sur les panneaux d’affichage surplombant la circulation ralentie dans le centre à la mi-journée. Au milieu des voitures, des femmes portent de grands paniers de fruits sur la tête, des hommes vendent des éponges naturelles ou des bibles. Des éclairs de vert apparaissent sur des jupes à motifs, des tee-shirts imprimés et, parfois aussi, sur des masques anti-Covid.

« Nous ne nous sentons pas en sécurité »

Des sondages montrent que les soutiens de M. Hichilema ont augmenté à Lusaka – longtemps considérée un bastion du parti au pouvoir –, notamment en raison de la politique économique jugée décevante de M. Lungu. Mais à part une affiche ici et là, cette notion est bien peu visible.

« On ne veut pas d’un autre président, on veut Edgar Lungu », affirme d’ailleurs Lydia Mwansa, 35 ans, mère de sept enfants, qui vend des sacs à main au marché. Les vendeurs autour d’elle approuvent énergiquement : on doit à Lungu les routes, les écoles et les hôpitaux construits sous sa présidence depuis 2015. « Les gars du PF font beaucoup de choses, ils sont travailleurs », renchérit Justina Nsama, 42 ans, qui vend des bananes, pointant le visage imprimé de M. Lungu sur son tee-shirt blanc. « Il est fort et humble à l’égard du peuple », affirme-t-elle alors que des minibus frôlent bruyamment son étal.

A quelques minutes de là, au siège de l’UPND – un bâtiment banal signalé simplement par le sigle peint en façade –, des communicants agités jettent des regards inquiets en faisant entrer les journalistes. « L’atmosphère en Zambie n’est pas favorable à l’opposition », explique l’un d’eux. Dans la cour extérieure, des militants sont réunis pour parler des jours à venir. Ils préfèrent ne pas être filmés, que personne ne puisse déchiffrer ce qu’ils se disent.

Un militant, le pasteur William Njombo, se présente pourtant pour être interviewé. « Nous ne nous sentons pas en sécurité, il y a tellement d’intimidations », dit-il, rappelant que le président a déployé l’armée dans les rues depuis une semaine, sous prétexte de maintenir l’ordre dans cette période électorale électrique. « Nous apprécions les projets d’infrastructures, mais ils ont eu un coût énorme, ajoute-t-il. Nous sommes maintenant confrontés à une énorme montagne de dettes. »

« On ne peut pas manger les routes »

De fait, la Zambie, deuxième producteur africain de cuivre, a souffert de la chute des cours des matières premières, avec l’arrêt brutal de l’économie mondiale lié à la pandémie de Covid-19, et est devenu fin 2020 le premier pays du continent à faire défaut sur sa dette. Très endetté auprès de la Chine, l’Etat a une dette extérieure exponentielle estimée à 10 milliards d’euros, dont la moitié auprès de créanciers privés. Mi-novembre 2020, le pays n’a pas réussi à verser 42,5 millions de dollars d’intérêts sur une dette libellée en euros et, fin janvier 2021, il a raté une autre échéance de 56,1 millions de dollars sur un autre emprunt obligataire.

Arrivé au pouvoir en 2015 après la mort de son prédécesseur, Michael Sata, et réélu en 2016 au terme d’une campagne émaillée d’affrontements parfois violents, Edgar Lungu est accusé de s’être égaré dans de lourds projets d’infrastructures et d’avoir emprunté de manière non viable, notamment auprès d’investisseurs chinois. Les routes de Lusaka se sont largement améliorées, avec la construction d’autoponts pour désengorger les ronds-points, la disparition des nids-de-poule et l’élargissement des voies de circulation. Mais, comme dit l’adage populaire à Lusaka, « on ne peut pas manger les routes ».

La valeur de la monnaie locale a plongé à des niveaux records et l’inflation a bondi de plus de 20 % sous la présidence de M. Lungu. Le chômage a été exacerbé par la pandémie et le ralentissement de la production dans deux grandes mines de cuivre. « Beaucoup de Zambiens ont l’impression de payer la dette du gouvernement par l’augmentation du coût de la vie », relève Zaynab Mohamed, du cabinet de conseil Oxford Economics, notant que M. Lungu « aborde les élections fragilisé en raison de la mauvaise gestion financière ».

Le Monde avec AFP

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