Editorial du « Monde ». Il y a un an, le 9 août 2020, à l’issue d’une campagne qui avait fait naître un fol espoir, les électeurs biélorusses exprimaient leur volonté de changement. C’est du moins ce qu’indiquaient les sondages et les comptages indépendants dans les bureaux de vote. Le président dont ils souhaitaient le départ, cependant, n’entendait pas céder un pouvoir qu’il détenait sans partage depuis 1994. Il falsifia les résultats. Depuis, une répression féroce s’abat sur les citoyens de cette ex-république soviétique qui osent manifester leur opposition à la dictature d’Alexandre Loukachenko.
Ce despote survit grâce au soutien de Moscou, et notamment de sa police politique, le FSB, qui fournit un appui précieux à sa complice de Minsk, le KGB, restée fidèle à l’original. Après avoir constaté que la force ne suffisait pas à écraser la contestation massive, le régime de Loukachenko est passé à des méthodes plus ciblées. En un an, plus de 35 000 personnes ont été arrêtées et sont passées par les geôles biélorusses, où tortures et mauvais traitements sont fréquents.
Les condamnations sont de plus en plus lourdes. Journalistes et intellectuels sont pourchassés. Ainsi, l’une des figures majeures de la contestation, Maria Kolesnikova, professeure de musique, a été enlevée en pleine rue. Alors que la police était sur le point de l’expulser vers l’Ukraine voisine, elle est parvenue à sauter en marche du véhicule et à déchirer son passeport pour éviter l’expulsion. Les policiers l’ont alors emprisonnée. Son procès vient de s’ouvrir à Minsk ; elle risque douze ans de prison. La répression est si sévère que la chef de l’opposition en exil, Svetlana Tsikhanovskaïa, dont le mari est lui aussi incarcéré, a décidé de ne pas appeler à manifester pour l’anniversaire du 9 août.
Série de sanctions
Loukachenko ne s’en tient pas là. Ses services s’activent aussi à l’étranger contre les opposants qui ont fui le régime. En mai, il a fait détourner un avion de la compagnie Ryanair vers Minsk pour arrêter un journaliste d’opposition exilé à Vilnius (Lituanie) et présent à bord. Le 2 août, au moment où une athlète biélorusse faisait défection à Tokyo pour échapper à un retour forcé après avoir critiqué les cadres de son équipe, un autre de ses compatriotes, Vitali Chichov, 26 ans, a été retrouvé pendu dans un parc de Kiev. Le jeune homme s’occupait de l’accueil des réfugiés biélorusses en Ukraine, où ils seraient désormais plusieurs dizaines de milliers.
Non content de persécuter ses citoyens, Loukachenko a fait de la Biélorussie un Etat voyou sur le continent européen. Aujourd’hui, il manie sans vergogne l’arme de la migration : la Lituanie est depuis des semaines confrontée à un afflux massif de demandeurs d’asile d’Irak, de Syrie et d’Afrique qui arrivent par la frontière biélorusse après avoir été acheminés par avion à Minsk.
L’Union européenne (UE) doit se défendre. Elle ne reconnaît plus M. Loukachenko comme le président légitime et a donné refuge à Svetlana Tsikhanovskaïa ainsi qu’à ses compatriotes exilés. Elle a aussi pris une série de sanctions contre Minsk. Elle doit poursuivre dans cette voie, en privilégiant les mesures qui punissent les responsables de la répression et pénalisent le régime. Il est important, aussi, que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, où la chef de l’opposition en exil vient d’être reçue au plus haut niveau, coordonnent leur action avec celle de l’UE, pour plus d’efficacité.
Mais ni à Bruxelles, ni à Londres, ni à Washington il ne faut perdre de vue que, derrière ce régime devenu la honte de l’Europe, c’est le président Vladimir Poutine qui détient, à Moscou, la clé du sort d’Alexandre Loukachenko.
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