« Ce n’est pas une crise migratoire, c’est un acte d’agression de la part du régime de
Loukachenko. » Le discours tenu par Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures, lors d’une visite en Lituanie, lundi 2 août, se voulait ferme et sans concession. Façon aussi d’afficher le soutien de l’Union européenne (UE) à ce pays balte qui fait face, depuis plusieurs semaines, à l’arrivée de milliers de migrants, majoritairement irakiens, par la frontière biélorusse. « Les institutions du régime [de Minsk] prennent part d’une manière ou d’une autre à cet afflux », a appuyé Ingrida Simonyte, première ministre lituanienne.
L’augmentation du nombre de franchissements irréguliers entre la Lituanie et la Biélorussie, pays voisins, coïncide avec la décision prise, les 24 et 25 mai, par les chefs d’Etat et de gouvernement européens de sanctionner des personnalités et des entreprises biélorusses, après le détournement sur Minsk d’un vol Ryanair et la capture du journaliste d’opposition Roman Protassevitch, qui se trouvait à bord. Sanctions qui se sont ajoutées à celles déjà adoptées depuis la répression des grandes manifestations contre la réélection frauduleuse du dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko, en août 2020.
Ce dernier avait immédiatement répliqué à cette salve de sanctions en menaçant « d’inonder l’Union européenne de drogues et de migrants ». La Lituanie a vite constaté qu’il ne s’agissait pas de paroles en l’air. En 2020, 74 migrants avaient franchi irrégulièrement la frontière du pays. On en dénombre 3 882 cette année, dont 2 882 pour le seul mois de juillet. « Et la situation se détériore de jour en jour », a alerté Ylva Johansson. La question migratoire était un volet de coopération avec la Biélorussie depuis 2012.
Instrumentalisation
Des sources diplomatiques évoquent des « agences de tourisme irakiennes ou biélorusses » qui organisent de véritables « tours » à destination de l’UE en diffusant de fausses informations sur les possibilités d’obtention de titres de séjour. « La Biélorussie dispense les migrants de visas, explique une source européenne. Une fois arrivés à Minsk, ils sont plus ou moins pris en charge par les autorités, qui leur indiquent comment atteindre la frontière ». « Une exploitation cynique » des espoirs des migrants, a dénoncé la commissaire européenne.
Cette instrumentalisation n’est pas un hasard pour Matthieu Tardis, chercheur à
l’Institut français des relations internationales, qui relève que la politique migratoire est « un des points faibles de l’Union européenne. Les Etats membres n’arrivent pas à s’accorder sur une politique d’accueil et de répartition des demandeurs d’asile ». La Lituanie est particulièrement visée, « car c’est le pays qui soutient avec le plus de force l’opposition démocratique biélorusse », rappelle, de son côté, Judy Dempsey, du think tank Carnegie Europe. En organisant des convois de migrants, « Loukachenko joue avec la tentation populiste, ajoute-t-elle. Cela peut créer des tensions, en Lituanie, avec ceux qui ne veulent pas accueillir de réfugiés. » Des manifestations ont été observées dans le pays alors que des camps sont montés à la va-vite.
Il vous reste 51.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article La Lituanie érige une clôture à sa frontière avec la Biélorussie est apparu en premier sur zimo news.