C’est sur une voie rapide, en 2004, que le journaliste marocain Ali Lmrabet a pour la première fois croisé le chemin d’Abdelatif Hammouchi, le tout-puissant chef des services de renseignements du royaume.
En reportage à Sidi Ifni, au bord de l’océan, Ali Lmrabet est pris en chasse. « Des voitures me suivaient et m’intimidaient. L’une d’elles m’a fait une queue de poisson. Je me suis arrêté à un barrage de gendarmerie ; ils sont allés voir mes poursuivants puis sont revenus me voir : “M. Lmrabet, on ne peut rien faire, c’est la DST [direction de la surveillance du territoire]…” alors que je n’avais pas donné mon nom ! Sur le moment, je les ai filmés et accusés de vouloir me tuer. Un type à l’écart a alors appelé un “Monsieur Abdellatif” pour demander des consignes… »
Inconnu du grand public, Abdellatif Hammouchi n’est pas encore l’homme qui « terrorise tout le monde au Maroc », selon la formule d’Ali Lmrabet ; ni celui que les enquêteurs du « Projet Pegasus » croisent au cœur du volet marocain de l’affaire.
Car aujourd’hui Abdelatif Hammouchi chapeaute une institution accusée d’avoir espionné ou tenté d’espionner des milliers de personnes, comme Ali Lmrabet, réfugié en Espagne, et ciblé par le logiciel espion israélien Pegasus en mars 2019 pour le compte de Rabat. Comme une longue liste de victimes en France, où les numéros de téléphone d’Emmanuel Macron et de quinze ministres ont été sélectionnés en vue d’un possible ciblage ; ainsi que les numéros d’au moins 40 journalistes marocains, français, algériens sélectionnés ou ciblés.
Ascension longtemps mystérieuse
Si le « superflic » du royaume, 55 ans, incarne aujourd’hui la dérive autoritaire d’un régime qui a des yeux et des oreilles partout, l’ascension de M. Hammouchi, qui a pris la tête du contre-espionnage en 2005 à seulement 39 ans, est longtemps restée mystérieuse.
« Hammouchi est un “fils du peuple”. Il est né dans les environs de Taza, pas loin du Rif, et a fait des études de droit, en arabe, à l’université de Fès. Il n’est pas issu d’une grande famille », note Omar Brouksy, ancien correspondant de l’Agence France-Presse à Rabat, ciblé par Pegasus, et dont le dernier ouvrage, La République de sa Majesté (éditions Nouveau Monde, 2017), décrit la relation toxique qui lie les élites françaises au royaume.
C’est de ces années universitaires, à une époque où le campus de Fès était le théâtre de batailles épiques opposant islamistes et gauche radicale, que lui vient sa réputation d’avoir travaillé comme indicateur de la police, note Ali Lmrabet.
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