Les victimes ignorées des « pluies noires » d’Hiroshima ont gagné. Le premier ministre japonais, Yoshihide Suga, a fait savoir mardi 27 juillet que le gouvernement ne ferait pas appel du jugement rendu le 14 juillet, lequel lui demandait d’élargir le statut de hibakusha, réservé aux survivants du bombardement atomique du 6 août 1945.
Dans la foulée, le ministre de la santé, Norihisa Tamura, a annoncé l’ouverture de discussions « dès que possible » pour une reconnaissance similaire des victimes ignorées des pluies noires consécutives du bombardement du 9 août sur Nagasaki. Les pluies étaient noircies par la poussière chargée de substances radioactives ayant été soulevée par l’explosion. Le choix de M. Suga met fin à un contentieux ancien, né de la définition en 1976 par le gouvernement, d’une limite géographique déterminant qui devait bénéficier du programme de soins gratuits des hibakusha.
Le premier ministre a justifié sa décision par l’âge des 84 plaignants du procès, dont les plus jeunes sont septuagénaires. « Ils doivent être aidés en vertu de la loi sur l’indemnisation des survivants des bombardements atomiques et de sa philosophie », a expliqué M. Suga, qui a promis un démarrage rapide des procédures de reconnaissance.
A quelques jours des commémorations du 76e anniversaire des bombardements, le chef du gouvernement était aussi pressé de prendre une telle décision par le maire d’Hiroshima, Kazumi Matsui, lui-même fils de hibakusha, qui s’appuyait sur le verdict du 14 juillet et sur une pétition lancée par les plaignants et qui avait réuni 8 440 signatures.
« La vérité que j’ai toujours défendue a été reconnue », s’est félicité Masaaki Takano, 83 ans, responsable du groupe des plaignants, et qui exprimait là le soulagement des victimes ignorées de ces pluies tombées dans les jours ayant suivi les bombardements.
Ostracisme subi par les victimes
Ces « pluies » ont inspiré l’écrivain Masuji Ibuse (1898-1993) pour son célèbre roman Pluie noire, paru en 1965. Le romancier y évoquait le « travail de la mort » chez les victimes de la bombe atomique – en l’occurrence une jeune fille, Yasuko, affectée par la pluie noire –, qui savent qu’elles portent la mort en elles, et décrivait l’ostracisme qu’elles ont subi. Le réalisateur Shohei Imamura en avait tiré un film en 1989.
A Hiroshima, là où seraient tombées les « fortes pluies », une zone ovale de 19 kilomètres de long sur 11 de large avait été dessinée en direction du nord-ouest en partant du point d’impact de la bombe. Les habitants de cette zone ont reçu le carnet de santé des hibakusha – 136 682 personnes en étaient titulaires en 2020, contre 372 000 en 1980 – leur garantissant la gratuité des soins pour onze maladies liées à l’exposition aux radiations, comme les cancers, les cataractes et les leucémies. En dehors de cette zone ne seraient tombées que des « pluies légères » sans conséquence pour la santé, selon les autorités. Dès le début, ce zonage a été critiqué. En 1978, des victimes qui habitaient hors de la zone définie ont formé des associations et milité pour une modification des critères.
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