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Transylvanie: menacées, les mines d’or romaines frappent à la porte de l’Unesco

Pittoresque bourgade au cœur de la Roumanie, Rosia Montana retient son souffle: l’Unesco se penche ce week-end sur l’inscription de ses mines d’or au patrimoine mondial, une décision qui enterrerait un projet controversé d’exploitation.

Ce site niché dans les Carpates occidentales abrite un « ensemble exceptionnel » de galeries romaines datant du IIe siècle, « le plus plus important et le plus vaste connu », a souligné l’Icomos, organisme consultatif de l’agence onusienne qui a recommandé son classement.

Mais les habitants sont divisés: une partie défendent bec et ongle ce trésor, tandis que l’autre ne jure que par l’extraction.

– 12.000 tonnes de cyanure –

Les graines de la discorde ont été semées dès les années 1990 lorsqu’une compagnie canadienne, Gabriel Resources, s’est implantée dans la commune avec l’intention d’extraire 300 tonnes d’or et 1.600 tonnes d’argent en faisant voler en éclats quatre massifs verdoyants, l’essentiel des vestiges romains compris.

Via sa filiale Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), dont l’Etat roumain détient 20%, cette société prévoit l’utilisation de 12.000 tonnes de cyanure par an, un risque supplémentaire pour l’environnement selon les experts.

« Seuls les talibans détruisent leurs vestiges », s’emporte Eugen Cornea, 70 ans, opposant acharné au projet minier.

Si les Canadiens venaient à le mettre en œuvre, « cette vallée boisée serait engloutie par un bassin de décantation. Deux villages, trois églises, dont une bâtie en 1720 – tout disparaîtrait », dit le topographe à la retraite, qui connaît chaque sentier de cet amphithéâtre naturel.

– 800 emplois –

A l’opposé, pour le maire Eugen Furdui, fervent défenseur des Canadiens, une décision favorable de l’Unesco « n’entraînerait que des désavantages. L’exploitation des gisements d’or serait bloquée, de même que la création d’emplois », explique-t-il à l’AFP, alors que la RMGC promet d’embaucher 800 personnes à la mine.

Unesco ou pas, les Canadiens n’ont pas avancé d’un pouce depuis l’obtention d’une concession minière en 1999. Confrontés à des manifestations géantes, les gouvernements successifs ont refusé de leur délivrer un accord environnemental indispensable.

Dénonçant une « expropriation », Gabriel Resources a saisi en 2015 la juridiction d’arbitrage international de la Banque mondiale (Cirdi) à Washington et réclamé 4,4 milliards de dollars de dédommagements à la Roumanie, sur la base d’une estimation datant de 2011, lorsque son action était cotée 7,4 dollars canadiens, contre 0,3 aujourd’hui.

Le verdict est attendu à la fin 2022 mais la compagnie, contactée par l’AFP, n’exclut pas de lancer une autre action en justice si la demande de Bucarest de voir le site protégé aboutit.

– « Patrimoine détesté » –

Avant la venue des communistes en 1946, les rues abritaient un casino et des bureaux de banque où des chercheurs d’or vendaient encore leurs pépites.

Aujourd’hui, on n’y trouve même pas un distributeur de billets, tandis que des écriteaux font savoir que la plupart des maisons appartiennent à la RMGC.

Rachetées pour des sommes importantes incitant leurs propriétaires à quitter la commune, les bâtisses aux portes en bois sculpté risquent de s’effondrer en attendant d’être rénovées par la compagnie, « dès que le projet minier sera lancé », selon-elle.

Appuyés par des dizaines de bénévoles, Claudia et Virgil Apostol, un couple d’archéologues, s’attache depuis une dizaine d’années à redonner leur ancienne splendeur à une partie de ces vieilles demeures.

« Ces bâtiments peuvent encore être sauvés, mais plus le temps passe plus ce sera difficile », dit Claudia sur le porche de la maison paroissiale déjà restaurée.

Elle évoque les débuts difficiles de cette entreprise qui a buté sur l’hostilité d’ »habitants endoctrinés au point de détester leur patrimoine ».

– Guerre des pelotes –

Tica Darie, 28 ans et des « rêves plein la tête », y a débarqué en 2013: « Je me suis retrouvé sur un champ de bataille », dit le jeune homme, qui a créé une petite entreprise, « Made in Rosia Montana », et recruté une trentaine de femmes pour tricoter capuches, foulards et autres bas de laine.

Mais tous les maris n’ont pas apprécié: plusieurs d’entre eux ont demandé à leurs épouses de rendre les pelotes, craignant de déplaire à la RMGC, raconte-t-il.

Dans le cimetière catholique, Sorin Jurca ne décolère pas: « La compagnie a même déterré des morts », lance cet ancien mineur, selon qui les habitants ayant accepté de transférer ailleurs les ossements de leurs proches ont chacun reçu l’équivalent de 400 euros.

Il croise les doigts pour un classement par l’Unesco, sinon « il ne resterait qu’un désert ici » après plusieurs années d’exploitation.

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