France World

Affaire Khashoggi : deux femmes proches du journaliste assassiné ont été surveillées par Pegasus

Par Arthur Bouvart , Souad Mekhennet et Dana Priest

Publié aujourd’hui à 18h00, mis à jour à 19h21

Réservé à nos abonnés

EnquêteL’enquête menée par le « Projet Pegasus » permet d’affirmer que les téléphones de plusieurs proches de l’opposant saoudien ont été infectés par le logiciel espion avant et après le meurtre de celui-ci, à Istanbul en 2018.

L’entourage de Jamal Khashoggi, l’éditorialiste saoudien du Washington Post assassiné le 2 octobre 2018, était sous surveillance. Plusieurs mois d’une enquête menée par Forbidden Stories et seize médias, dont le Washington Post et Le Monde, permettent d’affirmer que deux femmes intimes de la victime ont été visées par Pegasus. Une analyse technique démontre même la présence de ce logiciel espion dans le téléphone d’une d’elles quelques jours après l’assassinat.

NSO Group, l’entreprise israélienne qui commercialise ce logiciel espion ultrasophistiqué, a toujours affirmé que son outil n’avait jamais été utilisé pour surveiller M. Khashoggi ou sa famille. Pourtant, le téléphone d’Hanan El-Atr, une hôtesse de l’air égyptienne dont M. Khashoggi était tombé amoureux, a fait l’objet de tentatives d’infections par Pegasus. Quatre SMS contenant des liens qui, en cas de clic, auraient permis au logiciel espion de pénétrer le téléphone, lui ont été envoyés en novembre 2017 et en avril 2018, plusieurs mois avant l’assassinat de Jamal Khashoggi. En raison de limitations techniques propres à Android, le logiciel qui équipe son téléphone, il n’a pas été possible de déterminer si l’appareil avait été réellement infecté.

« Jamal m’avait dit que cela pouvait arriver »

A la période où elle a été visée par Pegasus, Mme El-Atr se souvient avoir rencontré Jamal Khashoggi à trois reprises et avoir échangé de nombreux messages et appels avec lui. Il lui avait appris à jongler entre les différentes applications de discussion, pensant ainsi déjouer la surveillance. « Jamal m’avait dit que cela pouvait arriver, se souvient Mme El-Atr, depuis les Etats-Unis, après avoir appris le piratage. Cela me laisse penser que [les espions] savaient tout ce qui arrivait à Jamal à travers moi », poursuit-elle, racontant qu’à l’époque, elle posait souvent son téléphone sur la table basse de son salon. Pegasus peut non seulement aspirer le contenu d’un téléphone, mais aussi le transformer, de manière invisible, en micro.

Hatice Cengiz, la fiancée turque de Jamal Khashoggi, a elle aussi été victime de Pegasus, quelques jours après l’assassinat du journaliste. C’est elle qui l’avait accompagné devant le consulat saoudien d’Istanbul le jour de sa mort, et son téléphone a été infecté à plusieurs reprises la semaine suivante, selon une analyse technique menée par Amnesty International. La première infection a eu lieu quatre jours après le meurtre. « Je suis un peu sous le choc. Je m’y attendais, mais je suis en colère. Je veux être une personne normale, comme tout le monde. Tout ça me terrifie », a réagi la jeune femme en apprenant qu’elle avait été espionnée. Le téléphone de Jamal Khashoggi, lui, a été donné par Mme Cengiz aux autorités turques après la mort du journaliste. Ces dernières, qui détiennent toujours l’appareil, refusent de dire s’il a été piraté, en raison de l’enquête judiciaire en cours.

Il vous reste 69.33% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Affaire Khashoggi : deux femmes proches du journaliste assassiné ont été surveillées par Pegasus est apparu en premier sur zimo news.