Il s’agit d’une nouvelle atteinte à la liberté de la presse en Russie. Le parquet russe a interdit, jeudi 15 juillet, le jeune et réputé média d’investigation Proekt, le déclarant « indésirable » et estimant que ses « activités présentent une menace à l’ordre constitutionnel et à la sécurité de la Fédération russe ». Le parquet considère que ce média est une organisation américaine.
D’après une loi promulguée en 2015, les organisations étrangères actives en Russie peuvent être déclarées « indésirables ». Elles doivent s’autodissoudre sous peine d’être interdites et leurs collaborateurs peuvent s’exposer à des amendes ou des peines de prison.
Quasi simultanément, le ministère de la justice russe a classé le rédacteur en chef de Proekt, Roman Badanine, et quatre autres journalistes du média sur sa liste de groupes et individus désignés comme « agents de l’étranger », dénomination qui les expose à de lourdes contraintes bureaucratiques sous peine d’amendes.
Fondé en 2018, le média en ligne Proekt est connu pour ses investigations sur la corruption des élites russes. Il a notamment publié plusieurs longues enquêtes sur des collaborateurs richissimes du président Vladimir Poutine.
Pressions répétées sur les médias indépendants
Les autorités russes ont multiplié ces derniers mois les pressions sur les médias indépendants, à l’approche notamment des élections législatives de septembre et dans le contexte du retour en Russie, en janvier, de l’opposant numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny, qui a aussitôt été emprisonné.
Les détracteurs du pouvoir accusent les autorités russes d’avoir muselé ou réprimé les médias au cours des deux décennies au pouvoir de M. Poutine. Derniers exemples en date, le réputé média en ligne Meduza, basé en Lettonie, a été déclaré en avril « agent de l’étranger », qualificatif infamant qui implique de lourdes contraintes et de potentielles amendes, ce qui l’a amputé d’importantes ressources publicitaires.
En juin, un autre média, VTimes, a annoncé sa fermeture par crainte de poursuites judiciaires, après avoir été classé, lui aussi, « agent de l’étranger ». A la fin du mois de juin, des perquisitions avaient déjà eu lieu au domicile de plusieurs journalistes de Proekt, notamment chez Roman Badanine.
Les organisations d’Alexeï Navalny, notamment son Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dont les vidéos dénoncent la corruption des élites, cumulent des centaines de millions de vues sur YouTube, ont, elles, été déclarées « extrémistes », et la plupart des proches de l’opposant sont en exil.
Le statut d’« indésirable » a été surtout attribué à des ONG ou des organisations politiques, notamment liées à l’ex-oligarque russe en exil Mikhaïl Khodorkovski. Plusieurs cercles de réflexion américains y figurent aussi, à l’image du groupe Atlantic Council, spécialisé dans les affaires internationales.
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