En 2020, selon l’Arcep, 16 millions de smartphones neufs ont été vendus en France; aujourd’hui 84% des 12 ans et plus en sont équipés (+7 points en un an). « Depuis 2016, le taux d’équipement en téléphone mobile a atteint un plateau, oscillant autour de 94%, à un point près », précise l’Arcep dans son baromètre du numérique. Ce développement interroge sur les raisons qui poussent les Français à changer de téléphone.
Pour 37% d’entre eux, la raison est simple: leur ancien ne fonctionnait plus correctement – que ce soit du côté du matériel comme un écran cassé, ou du logiciel, obsolète, quand le système d’exploitation ne peut plus être mis à jour. Pourtant, il existe de nombreux moyens de réparer son téléphone. Depuis le 1er janvier 2021, les smartphones font partie des objets qui doivent afficher leur indice de réparabilité. « Cette obligation est une excellente nouvelle pour deux choses: le consommateur peut maintenant savoir à quel point un smartphone est réparable et d’un autre côté, elle va pousser les marques à améliorer la réparabilité de leurs téléphones pour obtenir une bonne note », explique Erwann Fangeat, ingénieur à la direction économie circulaire et déchets de l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie). Selon Spareka – site de e-commerce engagé dans la réparabilité, les smartphones obtiennent en moyenne une note de 6,7/10.
Un fonds de réparation en 2022
De plus, dans certains magasins vendeurs de smartphones, comme la Fnac, des stands de réparation sont maintenant directement intégrés dans les boutiques. C’est le cas de WeFix, expert téléphonie du groupe Fnac-Darty depuis 2018, qui dispose de 140 points de vente en France et en Belgique. « Nous avons décider d’acquérir WeFix pour deux choses: notre engagement écologique et répondre aux attentes des clients. Allonger la durée de vie de son smartphone, c’est réduire les fabrications et donc l’impact environnemental de ce dernier. D’un autre côté, les consommateurs souhaitent de plus en plus des appareils qui durent dans le temps, pour les rentabiliser ou pour les donner à leur proche, en cas de changement », explique Régis Koenig, directeur Offre services et durabilité du groupe Fnac-Darty.
WeFix promet une réparation en moins d’une heure et un devis peut être fait en ligne de manière gratuite – selon le dysfonctionnement de l’appareil, ainsi que la marque et le modèle. « Avant, un appareil cassé devait être envoyé dans un atelier, ça pouvait prendre plus de deux semaines. Maintenant, avant de faire vos courses, vous déposez votre téléphone et il est réparé à la fin de vos achats. De plus, les prix sont totalement transparents, ce qui aide les clients à nous faire confiance », ajoute Régis Koenig. Actuellement, le groupe Fnac-Darty ouvre une à deux boutiques WeFix par mois. En 2025, le groupe vise 2,5 millions d’appareils réparés par an, tout catégorie confondu (électroménager, électronique…) contre 1,5 millions aujourd’hui.
Le développement de ces lieux de réparation peut donc inciter le consommateur a réparé ses produits électroniques, au lieu de le changer pour un neuf. « Ce secteur se porte bien et les boutiques se multiplient, c’est une bonne nouvelle », souligne Erwann Fangeat. Et pour ceux qui craignent que la réparation leur coûte cher, pas de panique. Au 1er janvier 2022, un fonds réparation devrait entrer en vigueur pour permettre d’accompagner financièrement le consommateur. Les éco-organismes en seront les gestionnaires. « Aujourd’hui, les consommateurs ne veulent pas mettre plus d’un tiers du prix d’achat dans les réparations. La mise en place de ce fonds devrait multiplier les demandes », précise Erwann Fangeat.
Plaisir de changer
Dernière raison pour ne pas se débarrasser de son téléphone affaibli: la garantie légale de conformité. En France, elle est obligatoire pour deux ans pour tout équipement électronique. Depuis le 1er juillet 2021, son existence et sa durée doivent être mentionnées sur le ticket de caisse et la facture des produits. « Cette garantie n’est pas très connue et j’espère que son apparition sur les tickets va améliorer cela, précise l’ingénieur de l’Ademe. Pendant deux ans, les consommateurs peuvent faire réparer leur téléphone sans frais, si la panne émane de l’appareil. Ils doivent le savoir. »
En résumé, la principale question à se poser avant de changer est: ai-je vraiment besoin de ce nouveau téléphone? « La majorité du temps, la réponse est non, car il est réparable », ajoute l’ingénieur. Réparer son téléphone empêche de multiplier les fabrications. Et c’est là tout l’enjeu. « Dans un smartphone, il y a 50 métaux que l’on va extraire. La fabrication a lieu généralement en Asie, puis les téléphones sont distribués en Europe. L’impact environnemental est énorme, il faut absolument le limiter via les fabrications. Et les seules solutions, c’est réparer ou s’orienter vers du reconditionné », explique Erwann Fangeat. Les reconditionnés sont des téléphones déjà fabriqués, qui ont été restaurés et nettoyés. La batterie peut également avoir été changée, si ton taux de charge ne dépasse pas les 80%. « C’est un bon compromis, l’impact environnemental est diminué car le téléphone a déjà été utilisé auparavant, le prix aussi et il est garanti pendant au minimum six mois ».
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Les forfaits subventionnés coupables?
Pour certains Français, toutes ces mesures permettant de limiter l’impact et le changement de téléphone ne sont pas convaincantes. « 25% des possesseurs de smartphones ont procédé à un achat ‘plaisir’, alors que leur appareil restait fonctionnel », décrypte l’Arcep. Parmi eux, 11% avaient envie de changer, 8% ont été tentés par un appareil de dernière génération et 6% d’entre eux ont bénéficié d’une offre ou d’une opportunité d’achat à laquelle ils n’ont pas résisté ».
Se pose alors la responsabilité des marques, mais aussi des opérateurs téléphoniques dans leur politique commerciales incitatives. Sur ce point, et plus particulièrement sur l’effet du subventionnement des forfaits – c’est-à-dire l’achat d’un téléphone à un tarif préférentiel et dont le remboursement est en partie inclus dans le paiement mensuel du forfait – le gouvernement avait demandé à l’Arcep, en mars dernier, d’enquêter sur les effets de ces derniers. Même si « lorsque le détenteur du smartphone bénéficie d’une subvention à l’achat de la part de son opérateur mobile, la probabilité qu’il ait acheté un produit neuf est plus élevée (86%) », l’Arcep ne voit aujourd’hui qu’un lien limité entre ce type de contrat et la durée de détention.
Dans les détails, 63% des Français ont un smartphone datant de moins de deux ans et ce chiffre n’augmente que légèrement (69%) si l’on regarde uniquement les détenteurs d’un smartphone subventionné. « Les marques font de plus en plus d’efforts pour limiter leur nombre de modèles, et du côté des opérateurs, je pense que les contrats à engagements sont en train de se finir naturellement [En 2020, 21% des forfaits sont avec téléphones subventionnés selon l’Arcep, NDLR]. Informer les consommateurs sur l’impact de leurs smartphones reste le meilleur moyen pour limiter le renouvellement », conclut Erwann Fangeat.
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