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Etats-Unis : Charlottesville déboulonne les statues de deux généraux confédérés

La statue du général Lee a été emmenée sur un camion sous des hourras et applaudissements, samedi 10 juillet 2021, à Charlottesville. WIN MCNAMEE / AFP

C’est un symbole. La municipalité de Charlottesville, en Virginie, a fini par déboulonner les statues en bronze des généraux confédérés Robert E. Lee, figure de la guerre de Sécession, et de Thomas « Stonewall » Jackson. Elles avaient été à l’origine d’affrontements meurtriers entre militants d’extrême droite et manifestants antiracistes, le 12 août 2017, qui avaient fait un mort.

Des ouvriers de la municipalité ont démonté les deux statues à l’aide d’une grue, devant quelques personnes et sous des hourras et des applaudissements, ne laissant que leurs piédestaux qui seront déplacés ultérieurement.

« Retirer cette statue représente un petit pas vers l’objectif d’aider Charlottesville, la Virginie et l’Amérique à se confronter au péché que représente le fait d’avoir été jusqu’à détruire des personnes noires pour des profits », a affirmé la maire de la ville, Nikuyah Walker, avant le début des opérations.

Ces statues seront désormais « remisées dans un lieu sûr et propriété de la ville en attendant que le conseil municipal prenne une décision finale » sur leur sort, a précisé la municipalité dans un communiqué. La ville a invité les musées, les sociétés d’histoire, le gouvernement ou les gérants de champs de bataille à se faire connaître s’ils souhaitaient récupérer ces statues. Elle a reçu dix propositions, dont quatre originaires de l’Etat de Virginie, a-t-elle ajouté.

Cheers were heard as a statue of Gen. Robert E. Lee was removed in Charlottesville, Virginia on Saturday.

The conf… https://t.co/aRmLANs1jX

— Quicktake (@Bloomberg Quicktake)

Déboulonnage annoncé en février 2017

Ces deux statues étaient placées dans le Market Street Park et le Court Square Park, deux petits parcs près du centre-ville. En 2016, Zyahna Bryant, une lycéenne noire, avait lancé une pétition pour demander que la statue de Lee soit retirée et en février 2017, la municipalité avait autorisé le déboulonnage de ces monuments, considérés comme des symboles du passé raciste et esclavagiste des Etats-Unis.

Mais en août suivant, des centaines de membres de l’ultradroite s’étaient donné rendez-vous pour manifester sous la bannière du mouvement « Unite the right », et protester contre ce projet. C’est au terme de ce rassemblement que des heurts avaient éclaté entre suprémacistes blancs et contre-manifestants. James Field, un sympathisant néonazi de 20 ans, avait alors foncé en voiture dans une foule de manifestants antiracistes, tuant une jeune femme de 32 ans, Heather Heyer, et blessant des dizaines de personnes.

Le président Donald Trump avait dénoncé des violences « des deux côtés », s’attirant une avalanche de critiques. La municipalité avait alors recouvert les deux statues d’un plastique noir en hommage aux victimes des violences.

Mais depuis la mort de George Floyd, le 25 mai 2020 lors de son arrestation par un policier blanc, de nombreux monuments à la gloire de l’armée confédérée ont été retirés, soit par les autorités soit par des manifestants protestant contre le racisme aux Etats-Unis.

Charlottesville avait déjà enlevé en septembre 2020 la statue d’un soldat confédéré tenant un fusil, érigée depuis 1909. Les drapeaux et monuments confédérés sont maintenant souvent considérés comme des symboles racistes, même si leurs partisans expliquent y voir un simple héritage de l’histoire du pays.

Un mur en brique recouvert de messages commémore la mort de Heather Heyer, la jeune femme tuée le 12 août 2017, durant la manifestation « Unite the Right » qui a rassemblé des suprémacistes blancs venus de toute l’Amérique pour protester contre le retrait d’une statue de l’emblématique général Robert Lee. Jason Andrew pour Le Monde

Pourtant, un an après, l’imposant monument équestre érigé à la gloire de Robert Lee est toujours là, dominant les jardins de Charlottesville. Jason Andrew pour Le Monde

Mais il n’a plus la même signification, comme l’explique Andrea Douglas, directrice du centre sur l’héritage afro-américain de l’école Jefferson. La statue était le symbole d’un ordre établi dans les années 1920, érigée en une période de réaction, alors que les Noirs étaient privés de leurs droits civiques. Elle est aujourd’hui l’incarnation d’un combat. Jason Andrew pour Le Monde

Depuis un an est apparue au grand jour la réalité décrite par la pasteure afro-américaine Brenda Brown-Groom : Charlottesville est une « beaufiful ugly city ». Une charmante petite ville à la haine ordinaire. JASON ANDREW POUR LE MONDE

C’est le reflet d’une Amérique plus déchirée que jamais, deux ans après l’élection de Donald Trump, cinq ans après l’émergence du mouvement Black Lives Matter (les vies des Noirs comptent), lorsqu’on s’est aperçu que l’élection de Barack Obama n’avait rien réglé. Jason Andrew pour Le Monde

A la suite du choc de l’été 2017, Nikuyah Walker, militante noire de 38 ans née à Charlottesville, fait campagne pour la mairie, avec pour slogan « Démasquer l’illusion ». Elle est élue maire de la ville et de ses 47 000 habitants en janvier. Jason Andrew pour Le Monde

Pour découvrir l’ampleur des rancœurs dans la ville, il suffisait d’assister, lundi 6 août, à la séance des questions au conseil municipal. Jason Andrew pour Le Monde

Une femme brandit un panneau « Punissez les nazis, pas les habitants » pendant un conseil municipal, à propos de l’anniversaire des émeutes. L’Etat d’urgence a été proclamé par le gouverneur de Virginie, et la police va fermer l’accès des véhicules dans le centre-ville. Jason Andrew pour Le Monde

Une simple plaque au sol, grande comme une feuille de papier, indique « Marché aux esclaves : sur ce site étaient achetés et vendus des esclaves »,  seul témoin de l’histoire des Afro-Américains, lesquels représentaient la moitié de la ville lors de la guerre de Sécession (1861-1865). Jason Andrew pour Le Monde

A côté, trois statues de héros sécessionnistes semblent imposer leur ordre à la société. Des barrières, installées en permanence, ont été erigées autour de celle de Thomas Jefferson, devant l’université de Virginie. Le 11 août 2017, l’extrême droite y organisa un défilé aux flambeaux. Jason Andrew pour Le Monde

Agé de 34 ans, Jason Kessler est l’organisateur du défilé de 2017, sous le slogan « Unite the right ». L’homme se prétend victime des Antifa et a dû quitter sa résidence de Charlottesville pour retourner vivre chez son père. JASON ANDREW POUR LE MONDE

« Jusqu’à 2017, je n’avais jamais été dans les parcs où sont ces statues », explique la pasteure Brenda Brown-Grooms. Un lieu pour Blancs, gagné sur les Noirs, qui en furent expulsés dans les années 1920. JASON ANDREW POUR LE MONDE

Jason Kessler se raccroche aux propos de Donald Trump en ce qui concerne le désastre de l’été 2017 : « Je lui fus très redevable, car il est le seul à reconnaître que nous avions le droit de manifester. » Un permis de manifester sa haine en vertu du premier amendement de la Constitution américaine. Le président avait provoqué une forte indignation en expliquant qu’à Charlottesville il y avait « des torts de deux côtés » et « des types très bien des deux côtés ». Jason Andrew pour Le Monde

Ces propos avaient suscité la consternation de Susan Bro, la mère de la jeune Heather Heyer, morte écrasée par la voiture d’un néonazi. De retour de l’enterrement de sa fille, elle avait jugé inutile de répondre aux appels de la Maison Blanche. JASON ANDREW POUR LE MONDE

Sa fille est enterrée en un lieu secret, pour que celui-ci ne fasse pas l’objet de profanation ou de pèlerinage. Mais dans Charlottesville une rue a été renommée « Heather Heyer Way ». Jason Andrew pour Le Monde

Le Monde avec AFP, AP et Reuters

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