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L’épopée de la carte à puce, dernière grande invention française du XXe siècle

Publié le : 08/07/2021 – 18:40

En 1992, les cartes de bancaires à puces envahissaient les portefeuilles. Derrière cette révolution se cache l’aventure d’un génie français qui lui consacra sa vie. 

En 1974, un improbable inventeur français du nom de Roland Moreno dépose un premier brevet pour une invention qui va faire date, la carte à puce. Il est à l’origine coursier à L’Express, où il se fait connaître pour inventer des machines qui ne servent à rien comme une machine à faire rebondir des allumettes ou encore une « machine à pile-ou-face ».

Cet inventeur autodidacte est aussi un client insatisfait des services proposés par sa banque. Les cartes bancaires fonctionnent alors exclusivement avec une piste magnétique, relativement facile à pirater. Indigné, Moreno a l’idée d’insérer dans une simple carte en plastique une puce intégrant une mémoire portative à l’intérieur de laquelle se trouvent le code confidentiel de l’utilisateur et son solde bancaire. Il trouve les technologies nécessaires chez Bull, où l’équipe de Michel Ugon développe la carte à microprocesseur.

« Si l’objectif de l’invention de Moreno est le secteur bancaire, le premier débouché de la carte à puce arrive en 1982 avec la carte téléphonique qui remplace vite les pièces de monnaie dans les cabines », raconte Pierre Mounier-Kuhn, historien de l’informatique au CNRS et auteur de l’Histoire illustrée de l’informatique.

« Un évangéliste de la carte à puce »

Cette première industrialisation de la technologie de Moreno, dans ce qu’elle a de plus simple, convainc rapidement toutes sortes d’acteurs. « Roland Moreno était mieux qu’un communicant, c’était un évangéliste de la carte à puce qui savait convaincre autour de lui », conscient d’être à l’origine d’une des « dernières innovations françaises du XXe siècle », ajoute Pierre Mounier-Kuhn à RFI.

Peu à peu, la carte à puce se retrouve partout sous l’impulsion des ingénieurs d’Innovatron, l’entreprise de Roland Moreno. À l’origine, celle-ci vendait « des idées et des noms », selon l’ambition de son fondateur. Mais une fois les premiers brevets déposés, son cœur d’activité change, et elle se consacre à trouver de nouvelles applications pour les cartes à puces : carte vitale, cartes de stationnement, décodeurs Canal +, cartes de transports, la carte SIM qui encore aujourd’hui fait fonctionner tous les téléphones portables, et surtout les cartes bancaires.

Selon Henri Lilen, journaliste et auteur d’une dizaine d’ouvrages sur l’informatique, Moreno était « conscient du bouleversement qu’il avait provoqué sans toutefois s’en gargariser ». Un comportement qui s’explique par la prudence du personnage. « Il s’agaçait que l’on parle sans cesse des innovations plutôt que du progrès que celles-là devaient emmener », rajoute Pierre Mounier-Kuhn, « c’est pourquoi il était fier que cette invention s’inscrive dans un ensemble d’éléments qui simplifie la vie des gens ».

Pour Michel Fouquin, économiste et directeur adjoint du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, « la carte bancaire à puce est une étape importante dans la dématérialisation de la monnaie », car elle apporte la sécurité et la simplicité nécessaire pour une adoption de masse.

Bien qu’aujourd’hui la tendance soit à la dématérialisation, notamment avec le paiement par mobile, Bruno Joux, expert paiement dans le cabinet Exton Consulting n’est pas inquiet pour elle. « La carte bancaire est loin d’être morte, c’est un modèle en constante évolution. Le nombre de cartes en circulation continue de croitre tous les ans ». Il ajoute que même « virtuelles et enregistrées sur un mobile, les cartes dématérialisées sont l’émanation numérique d’une carte physique ». Pas de quoi laisser présager la fin de l’invention de Roland Moreno pour demain.

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