Le ministère de la Défense américain a annulé mardi le mégacontrat de « cloud » (informatique à distance) d’une valeur de 10 milliards de dollars attribué en 2019 à Microsoft au détriment d’Amazon, mettant ainsi fin à une bataille judiciaire qui évoquait l’influence supposée de Donald Trump.
Il prévoit à la place d’engager plusieurs compagnies, à commencer par Microsoft et Amazon.
Le mégacontrat baptisé JEDI (Joint Enterprise Defense Infrastructure), dans les tuyaux depuis 2018, ne répondait plus aux besoins du Pentagone en raison notamment « de l’évolution des exigences » et « des avancées du secteur », a justifié le ministère dans un communiqué.
Il a été surtout retardé par la plainte déposée par Amazon peu après son attribution à Microsoft.
Y renoncer permet « de mettre fin à un feuilleton à rebondissements de plusieurs années qui a mis le contrat JEDI sur pause », estime Dan Ives, spécialiste du secteur technologique pour le cabinet Wedbush.
« La transformation vers le cloud ne ralentit pas, le Pentagone devait prendre cette décision », a-t-il affirmé.
L’armée a « urgemment » besoin de services de cloud fournis par des entreprises habilitées à travailler pour tous les niveaux de classification du secret défense, a de fait souligné John Sherman, responsable des systèmes d’information au ministère, lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes.
Aussi, le Pentagone va entamer une nouvelle procédure pour recruter plusieurs sociétés spécialisées et non une seule.
– Sécurité des Etats-Unis –
Le contrat JEDI, d’une durée de 10 ans, visait à moderniser la totalité des systèmes informatiques des forces armées américaines, intégrant notamment davantage d’intelligence artificielle.
Dès la conclusion de l’appel d’offres à l’automne 2019 pour ce contrat, Amazon, initialement considéré comme favori, avait vivement remis en cause le choix du ministère. Une juge avait encore, en avril, refusé de rejeter la plainte d’Amazon comme le demandait le Pentagone.
Le géant du commerce en ligne, devenu un expert des services pour informatique dématérialisée, accusait notamment l’ex-président américain Donald Trump d’avoir piloté le choix du Pentagone en raison de son animosité envers Jeff Bezos, son fondateur. Il est aussi propriétaire du Washington Post, un quotidien qui a publié de nombreuses enquêtes sur l’ex-locataire de la Maison Blanche.
« Nous comprenons les raisons du ministère de la Défense », a réagi Microsoft sur son site.
Le ministère faisait « face à un choix difficile: poursuivre ce qui aurait pu devenir une bataille judiciaire de plusieurs années ou trouver une autre voie à suivre (…). La sécurité des États-Unis est plus importante que n’importe quel contrat », a commenté le groupe.
Le bâtiment du Pentagone à Washington, le 26 décembre 2011 (AFP/Archives – STAFF)
Amazon a de son côté salué la décision.
L’attribution du contrat à Microsoft « n’était pas fondée sur les mérites des propositions mais plutôt sur le résultat d’une influence extérieure qui n’avait pas sa place dans la procédure de marchés publics », a affirmé le groupe dans un message transmis à l’AFP.
« Nous sommes impatients de continuer à soutenir les efforts de modernisation du ministère de la Défense », est-il ajouté.
– « Pas une erreur » –
Le ministère prévoit désormais de se tourner vers plusieurs entreprises pour un nouveau contrat baptisé Joint Warfighter Cloud Capability (JWCC), qui se substituera au JEDI.
M. Sherman n’a pas souhaité donner de montant précis, indiquant seulement qu’il s’élèverait sans doute à « plusieurs milliards de dollars ».
Le ministère va commencer par solliciter des propositions auprès de Microsoft et Amazon, les deux seuls groupes actuellement « capables de répondre à ses besoins ».
Il poursuivra ensuite « ses études de marché pour déterminer si d’autres fournisseurs basés aux États-Unis » pourraient également remplir ses exigences, notamment Google, Oracle ou IBM.
L’annulation du contrat JEDI ne signifie pas que le ministère a commis une « erreur », a assuré M. Sherman.
Quand JEDI a été conçu, c’était « la bonne approche », a-t-il affirmé. Mais « le paysage a changé, tout comme nos besoins ».
« La raison principale » de la décision annoncée mardi « ne relève pas de ce qui a pu se passer sous la précédente administration, de ce qui a pu être dit ou non, de la procédure judiciaire », a asséné M. Sherman. L’armée a simplement besoin de ces nouvelles technologies « maintenant », a-t-il affirmé.
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